Ne pas oublier, bien qu'exilée dans un film parlant flamand, Marie-Christine Barrault, qui donne à La femme entre chien et loup d'André Delvaux une épaisseur à la fois secrète et lumineuse. Ni Valérie Mairesse, avec laquelle il faudra de plus en plus compter depuis qu'elle a su ne pas se faire oublier dans Un si joli village, entre Carmet et Victor Lanoux.

Hors concours, la grande Simone Signoret domine cette année deux films : L'adolescente, évocation un peu trop bucolique d'un été 39 à la campagne, un film signé Jeanne Moreau, et Judith Therpauve, histoire exemplaire de la prise de contrôle d'un journal indépendant par un patron de presse tout-puissant, malheureusement édulcorée par une mise en scène trop crépusculaire de Patrice Chéreau... Un peu effacée cette année, Catherine Deneuve, outre L'argent des autres où son rôle était peu important et À nous deux où elle se contente d'être belle et blonde, a choisi les deux extrêmes : Ils sont grands ces petits, fabulette souriante de Joël Santoni, où elle joue aux modèles réduits avec Claude Brasseur, et Écoute voir d'Hugo Santiago, réflexion ésotérique sur la manipulation des individualités.

Moins connues, les trois sœurs de Confidences pour confidences, et notamment la jeune Anne Caudry, ont su, en revanche, imposer le charme nostalgique de Pascal Thomas qui a retrouvé ici, et amélioré, la sensibilité tendre et drôle qui avait fait naguère le succès des Zozo.

Dernier volet

Une année sans François Truffaut ne serait pas complète : il a donné, avec L'amour en fuite, le dernier chapitre des aventures de son héros et double, Antoine Doinel. Un très joli film, tout en finesse, sur le temps qui passe et les baisers que l'on n'a plus envie de voler... Et un échec commercial !

C'est, en revanche, un registre totalement différent de celui que nous lui connaissions, que son ancien confrère des Cahiers du cinéma, Eric Rohmer a choisi d'aborder dans Perceval, adaptation fidèle, très austère, presque bressonienne, dans des décors rares et stylisés, du roman moyenâgeux de Chrestien de Troyes. Un travail de chartistes, beau, déconcertant et surtout très froid... Plus attachant que La chanson de Roland, de Franck Cassenti.

Dans un genre tout à fait différent, c'est un hommage qu'il faut rendre au discret Michel Mitrani qui a réussi — c'était une gageure — une adaptation remarquable du très beau livre de Julien Gracq, Un balcon en forêt. Un film injustement resté confidentiel.

Du côté de la relève cinématographique, peu de révélations véritables cette année. Alain Cavalier, dont Martin et Léa a séduit par le naturel du récit et des interprètes et dont l'étrange Ce répondeur ne prend plus de message, désespérant SOS d'un suicidaire, a bouleversé, n'est plus un débutant. Pas plus que Chantai Ackermann, dont le franco-belge Rendez-vous d'Anna, malgré un statisme volontaire, proche des films de Marguerite Duras (qui s'est surpassée dans Navire Night), ne manquait pas d'intérêt.

Dans Le retour à la bien-aimée et avec une affiche brillante (Isabelle Huppert, Jacques Dutronc, Bruno Ganz), Jean-François Adam a tenté, non sans maîtrise, d'allier suspense policier et romantisme fou.

Humour grinçant

Dans Le maître nageur, Jean-Louis Trintignant, aidé par Jean-Claude Brialy, a, passant pour la deuxième fois derrière la caméra, confirmé son goût pour un humour très insolite en France : grinçant et très noir.

C'est, aussi, un humour très grinçant, mais, celui-là, rose et même cru, qui a fait le succès, inattendu, du premier film de Patrick Schulmann, dont le titre annonce le ton : Et la tendresse ? Bordel... Portrait très schématique de trois hommes contemporains, le timide, le tendre et le phallocrate grossier. Ce cocktail pas très raffiné est, sans nul doute, l'événement commercial de l'année : s'il n'atteint pas les sommes de Diabolo menthe la saison dernière, il se hisse aux meilleures places, au-delà des 500 000 entrées... Ce qui n'est pas le cas de deux autres premiers films dont on a beaucoup parlé pourtant : L'adoption, de Marc Grunebaum, et Les belles manières, de Jean-Claude Guiguet, tous deux très maîtrisés dans leur mise en scène.