Le gouvernement Tindemans fait adopter la loi anti-crise par le Parlement le 26 juillet 1978 et envoie les députés en vacances jusqu'au 19 septembre.

Aucun progrès ne sera donc effectué en ce qui concerne les affaires communautaires. Les travaux de la commission spéciale de la Chambre traînent en longueur, et le Conseil d'État, auquel le gouvernement a demandé un avis, estime contraire à la Constitution le droit d'inscription. Cette pièce maîtresse de l'accord donnait aux francophones demeurant dans les communes flamandes de la périphérie de Bruxelles la possibilité de s'inscrire dans des communes de régime francophone. Toute se passe donc comme si le Conseil d'État donnait raison aux extrémistes flamingants qui font pression sur le Christelijke Volkspartij (CVP), parti démocrate chrétien flamand.

Malgré cette première fissure dans un accord difficilement conclu, la commission spéciale approuve en première lecture le texte gouvernemental, le 22 septembre 1978. Mais une brèche se produit dans le front de la majorité. Outre J. J. Verroken, éternel opposant flamingant d'Audenarde, trois députés CVP de Bruxelles se dissocient de leurs collègues de la majorité. Cette prise de position révèle la sourde opposition qui existe dans le groupe des chrétiens flamands, opposition à laquelle va devoir faire face le jeune président du CVP, Wilfried Martens.

Démission

Cette situation ambiguë aboutit, le 11 octobre 1978, à un coup de théâtre politique. Avant la séance de la Chambre, le président du CVP informe ses partenaires de la majorité que son groupe va formuler des objections d'ordre constitutionnel. Les autres partis de la coalition demandent alors un ajournement des débats « pour permettre au gouvernement de prendre position ». Ils souhaitent que la question de confiance soit posée afin d'obliger le CVP à cautionner le projet. Est-ce pour ne pas laisser apparaître les divisions de son parti que Léo Tindemans rejette la procédure proposée ? Ou n'attend-il que cette occasion pour saborder son propre gouvernement ? Toujours est-il qu'à la stupéfaction générale — et à celle de ses ministres en particulier — il annonce à la tribune qu'il va présenter au roi la démission de son cabinet.

Face à la crise gouvernementale, le monde politique et l'opinion publique éprouvent la même lassitude. Mais, du côté francophone, on tient rigueur au CVP de sa volte-face devant l'octroi des concessions linguistiques tant attendues dans la région bruxelloise. Cette question n'est d'ailleurs pas seulement en cause : d'énormes intérêts privés retardent la régionalisation, afin de ne pas connaître un amoindrissement de leur pouvoir économique et politique. Enfin, une dernière hypothèse concerne la stratégie du CVP face à la Volksunie (VU), parti fédéraliste et nationaliste flamand, devenu son concurrent le plus dangereux en Flandre. En recourant aux élections, le CVP peut essayer de l'éliminer, les électeurs lui reprochant les concessions qu'il a faites en partageant le pouvoir.

Pour la première fois dans le jeu de la négociation politique, le roi désigne des médiateurs : Ch. Nothomb, président du PSC, et Willy Claes.

Gouvernement

Paul Vanden Boeynants réussit à ramener Wilfried Martens au poste de Premier ministre. Celui-ci constitue son gouvernement au début du mois d'avril 1979. Il comprend 25 ministres et 8 secrétaires d'État. C'est la première fois que l'exécutif se régionalise. En effet, 7 ministres et les secrétaires d'État ont des compétences communautaires ou régionales. Quatre comités ministériels sont l'ébauche des futurs gouvernements des communautés qui doivent se constituer dès la mise en place des nouvelles institutions. Il existera, outre les comités pour les communautés néerlandaise, flamande, bruxelloise, wallonne, un comité pour la communauté française qui établira un lien entre francophones de Bruxelles et de Wallonie.

Un véritable chassé-croisé s'est donc effectué entre Léo Tindemans et Wilfried Martens : l'ex-Premier ministre devient président du CVP, alors que le président du Christelijke Volkspartij accède au pouvoir. Cette situation peut être lourde de menace pour l'avenir : bien qu'il se défende d'être animé par un quelconque esprit de revanche, Léo Tindemans représente au CVP la tendance qui a provoqué la chute du précédent gouvernement.