Depuis la fin de la seconde guerre d'Indochine, les relations n'ont pas cessé de se détériorer entre les deux États. La suspension de l'aide chinoise, l'expulsion de centaines de milliers de Hoa (Chinois du Viêt-nam) créent un contentieux que Hanoi et Pékin ne veulent pas régler ou ne parviennent pas à régler. L'occupation du Cambodge par les Vietnamiens préoccupe les dirigeants chinois, inquiets de ce nouvel hégémonisme indochinois et de son alliance avec l'Union soviétique. Entre Hanoi et Pékin, le temps de l'amitié est donc passé, et l'ancien antagonisme resurgit entre les peuples.

La Chine masse des troupes à ses frontières méridionales depuis l'automne 1978. Le Viêt-nam renforce ses défenses. Les incidents se multiplient. En septembre, il y a 10 morts dans un affrontement à la Porte de l'Amitié, principal point de passage à la frontière.

Pour Hanoi, cette tension avec la Chine est peut-être l'occasion de faire oublier au peuple vietnamien ses difficultés et ses problèmes : une économie déficiente, de mauvaises récoltes et la difficile intégration du Sud. Une fois de plus, face à la menace étrangère, le Viêt-nam se mobilise et montre sa cohésion.

Hanoi, qui vient quelques mois plus tôt d'adhérer au COMECON, signe en novembre 1978 un traité d'amitié et de coopération avec l'Union soviétique. Chaque pays s'engage à fournir, après consultation, une aide à celui qui sera attaqué.

Pékin considère cet accord comme une « provocation », une manifestation des tentatives d'encerclement de la Chine par l'URSS et ses alliés. La prise de Phnom Penh par les Vietnamiens l'oblige à réagir.

Au cours de sa visite aux États-Unis, en février 1979, le vice-Premier ministre Deng Xiaoping annonce que la Chine a l'intention de donner « une bonne leçon » au Viêt-nam. Les Chinois prennent leurs précautions en informant les États-Unis et le reste du monde. Ils sont d'ailleurs persuadés qu'en cas d'opération contre le Viêt-nam ni l'URSS ni les États-Unis n'interviendront.

Attaques chinoises

Le 17 février, à l'aube, l'armée populaire chinoise pénètre au Nord-Viêt-nam. « Opération limitée de riposte aux agressions vietnamiennes, précise Pékin. Lorsque leur mission sera achevée, nos troupes se retireront. »

Bousculant les Vietnamiens, les Chinois attaquent en quatre points :
– Mong Cai, près du golfe du Tonkin, où l'armée chinoise se heurte à une forte résistance des Vietnamiens qui contre-attaquent même en territoire chinois.
– Dong Dang et Lang Son, où les Chinois rencontrent un puissant dispositif défensif mis en place sur les pitons qui jalonnent la route nationale 4, parallèlement à la frontière.
– Cao Bang, où les troupes chinoises, convergeant du nord, de l'est et de l'ouest, occupent le saillant vietnamien situé au nord-est de cette capitale provinciale.
– Lao Cai, à l'ouest, où les blindés chinois s'infiltrent dans la vallée du Fleuve rouge, tandis qu'une colonne d'infanterie de montagne esquisse un mouvement vers Lai Chau, l'ancienne capitale du pays thaï.

Sur 1 000 km de frontière, une bataille confuse s'engage sur l'un des terrains les plus difficiles du monde : une jungle parsemée de pitons, couverte de montagnes et de vallées profondes perdues dans les brumes, qui constitue un piège redoutable pour une armée moderne, un terrain d'élection pour la guérilla.

L'opération chinoise se déroule en quatre phases :
– du 17 au 19 février, l'offensive initiale, dirigée par le général Yang Tehchih, un ancien de Corée, progresse d'une dizaine de kilomètres. Les Vietnamiens lui opposent une défense constituée de milices villageoises et d'unités régionales, retranchées dans un système de défense souterrain extrêmement dense, en particulier autour de Lang Son et de Cao Bang ;
– du 20 au 25 février, le système vietnamien plie mais ne rompt pas. Emporté par leur élan, les Chinois, pris entre deux feux, harcelés sur leurs arrières, se replient pour nettoyer le terrain où les Vietnamiens appliquent une tactique de l'« imbrication des fronts » extrêmement coûteuse pour l'adversaire. Riposte chinoise : 2 000 bouches à feu déversent un déluge d'obus sur Dong Dang, Lang Son et Cao Bang ;
– du 26 février au 5 mars, reprise de l'offensive chinoise et chute de trois capitales provinciales : Cao Bang, Lang Son et Lao Cai. Mais il faut cinq jours de siège aux Chinois pour occuper Lang Son, en détruisant aux lance-flammes et au canon les casemates qui défendent la ville et en prenant d'assaut une à une les collines qui l'environnent.
En trois semaines, 80 000 soldats chinois, engagés dans la bataille, ont progressé d'une trentaine de kilomètres en territoire vietnamien, combattant la milice et les troupes régionales. L'armée régulière vietnamienne, dont cinq divisions sont déployées en arc de cercle au nord de Hanoi, n'est pratiquement pas intervenue ;
– du 5 au 17 mars, c'est le repli chinois. Le 5 mars, Pékin annonce que l'opération a atteint ses objectifs. Après avoir établi un front défensif le long de RN 4, les troupes chinoises amorcent leur retrait. Mais les combats se poursuivent jusqu'au 16. Et les Vietnamiens accusent la Chine d'occuper encore une dizaine de positions au Viêt-nam au-delà de cette date. Des bornes frontières auraient été déplacées par les Chinois, rectifiant ainsi à leur profit un tracé contesté et prenant des gages en prévision de futures négociations.

Dialogue de sourds

Les négociations s'ouvrent le 18 avril à Hanoi. Les Vietnamiens proposent aussitôt la création d'une zone démilitarisée à la frontière, l'échange des prisonniers et la mise en place d'une commission de contrôle.