La chute des Khmers rouges marque la fin de l'une des expériences révolutionnaires les plus radicales et les plus sanglantes de l'histoire contemporaine.

Les nouveaux maîtres du Cambodge

Les Khmers provietnamiens créent, le 3 décembre 1978, le Front d'union nationale pour le salut du Kampuchea (FUNSK), mouvement marxiste orthodoxe rival du Front uni national du Kampuchea (FUNK), l'organisation des Khmers rouges. Le FUNSK regroupe tous les opposants de Pol Pot favorables à la collaboration avec le Viêt-nam. Parmi eux, les anciens Khmers vietminh, ex-membres du PC indochinois, qui, en 1954, après les accords de Genève, se réfugièrent à Hanoi, et surtout des Khmers rouges, révoltés contre Pol Pot. C'est le cas de Heng Sarim, le président du Conseil révolutionnaire, principal organe dirigeant du nouveau régime. Ancien commissaire politique et commandant adjoint de la zone militaire orientale en 1975, Heng Sarim participe, en mai 1978, à une insurrection contre Pol Pot. Elle est réprimée dans le sang. Heng Sarim et ses partisans se réfugient au Viêt-nam. C'est grâce à l'aide de Hanoi, qui lui fournit armes et munitions, qu'il a pu renverser le régime de Pol Pot.

Pressions

Mais la situation connaît des prolongements diplomatiques. La veille de l'entrée des Vietnamiens à Phnom Penh, les Khmers rouges libèrent le prince Sihanouk. Il se trouvait en résidence surveillée dans la capitale depuis son abdication, le 2 avril 1976 (Journal de l'année 1975-76) : on le charge de défendre la cause khmère.

L'ex-chef de l'État se rend à Pékin et proclame son intention d'aller à New York protester à la tribune des Nations unies contre l'invasion vietnamienne.

Cette réapparition spectaculaire de Sihanouk, après deux ans et demi de silence, constitue l'ultime tentative des Khmers rouges pour affirmer leur légitimité devant l'opinion internationale. Mais le prince prend ses distances : s'il dénonce l'agression vietnamienne devant le Conseil de sécurité, il condamne aussi les crimes de Pol Pot et de ses amis. Simple baroud d'honneur ? L'Union soviétique, alliée au Viêt-nam, ayant opposé son veto, le Conseil de sécurité de l'ONU rejette la résolution des pays non alignés demandant le « retrait des forces étrangères du Cambodge ». La Chine a voté cette résolution avec les pays occidentaux.

Au Cambodge, c'est la normalisation vietnamienne. En février et en mars, Phnom Penh conclut avec le Viêt-nam et le Laos des traités d'amitié et de coopération sur le modèle de celui qu'ont signé auparavant le Viêt-nam et le Laos. Trois ans et neuf mois après la fin de la guerre du Viêt-nam (Journal de l'année 1974-75), les dirigeants de Hanoi réalisent le rêve de Ho Chi Minh : ils viennent de jeter les fondements d'une future fédération indochinoise, décision qui risque de remettre en question l'équilibre en Asie du Sud-Est.

Pékin ne peut l'admettre. Après avoir tenté une pression diplomatique sur le Viêt-nam, la Chine populaire a recours aux pressions militaires. L'armée populaire chinoise attaque le Viêt-nam le 17 janvier 1979, contraignant Hanoi à retirer une partie de ses troupes engagées au Cambodge, où 100 000 soldats, harcelés par la guérilla khmère rouge, sont menacés d'enlisement.

Réfugié à Pékin, Sihanouk se propose de régler le conflit cambodgien à sa façon : il suggère à toutes les parties engagées, aux membres permanents du Conseil de sécurité et aux pays de l'ASEAN (Thaïlande, Malaysia, Philippines, Indonésie, Singapour) de participer à une conférence de Genève sur l'Indochine qui permettrait la conclusion d'un cessez-le-feu au Cambodge et l'organisation d'élections générales.

Chine

Bejing. 865 680 000. 93. *1,6 %.
Économie. Énerg. (76) : *706.
Transports. (71) : *301 000 Mt/km.  : 4 245 000 tjb.
Information. (70) : *12 000 000. (*73) : *500 000.
Armée.  : 4 325 000.
Institutions. République populaire proclamée le 1er octobre 1949. Nouvelle Constitution adoptée par l'Assemblée nationale populaire le 5 mars 1978. Président du comité permanent (rôle virtuel de chef de l'État) : maréchal Ye Jianying. Président du parti et Premier ministre : Hua Guofeng ; succède à Zhou Enlai et Mao Zedong, décédés.

Le pouvoir oscille entre la libéralisation et la reprise en main. Pékin-Washington échangent leurs ambassadeurs

Double marche arrière en Chine populaire lorsque arrive le printemps 1979 : marche arrière pour les libertés nouvellement octroyées dont certains abusent, d'après les gouvernants, et marche arrière pour le rêve de modernisation accélérée dont on s'aperçoit qu'elle coûterait trop cher. Au début, problème et solution semblent fournis par le chiffre 4 contenu dans deux expressions constamment répétées : la bande des quatre (Journal de l'année 1976-77) et les 4 modernisations.

Libéralisation

Rendue responsable aujourd'hui de toutes les erreurs sinon de tous les crimes, comme hier Liu Shaoqi, Lin Biao ou Confucius, la bande des quatre justifie, par réaction, l'actuelle libéralisation. Aussi souvent citées, les 4 modernisations, slogan légué par le défunt Premier ministre Zhou Enlai, préconisant de moderniser industrie, agriculture, sciences et techniques et défense pour faire de la Chine, avant la fin du siècle, une grande puissance mondiale au niveau des pays développés. Instrument de ces deux libérations simultanées (spirituelle et matérielle), la nouvelle Constitution de mars 1978 est appliquée par des réalistes de la tendance Deng Xiaoping. Celui-ci semble gouverner, bien que toujours vice-Premier ministre, et continue à éliminer peu à peu les idéologues survivants du maoïsme en s'appuyant sur l'opinion publique, voire sur l'agitation plus ou moins provoquée, comme Mao lui-même douze ans plus tôt avec les Gardes rouges.