La Constitution interdisant au président de la République, Carlos Andrès Pèrez, de briguer un second mandat successif, le parti gouvernemental de l'Action démocratique (AD), de tendance social-démocrate, choisit comme candidat un homme de l'appareil, Luis Piñerua Ordáz, fonctionnaire intègre et efficace, mais sans magnétisme personnel. En face, le COPEI, parti démocrate-chrétien, reporte ses préférences sur le leader de son aile gauche, Luís Herrera Campins, avocat de 53 ans, père de cinq enfants, qui se veut austère et effacé. Bien qu'il mette l'accent sur le social, en accusant le président sortant d'avoir gaspillé les ressources en devises dues à la hausse des prix du pétrole et favorisé la corruption administrative, il a quelque peine à se différencier de son principal adversaire. Idéologiquement, rien d'essentiel ne le sépare de Piñerua Ordáz : tous deux sont des modérés, pragmatiques et réformistes.

Courte tête

Proche collaborateur de Carlos Andrès Pèrez, ancien maire de Caracas, un jeune candidat aux dents longues, Diego Arria, tente de tirer parti de la situation et se présente comme outsider indépendant. Sept autres candidats participent à la course à la présidence, notamment José Vincente Rangel, du Mouvement vers le socialisme (MAS) issu de la guérilla des années 60, qui, avec un peu plus de 5 % des suffrages aux dernières élections de 1973 est devenu le troisième parti politique alors que COPEI et AD, ensemble, ont obtenu un score supérieur à 85 %.

Grâce à une campagne électorale de style américain, qui voit les deux principales formations dépenser quelque 120 millions de dollars pour leur propagande, les 6 millions d'électeurs inscrits sont entraînés dans un véritable tourbillon de meetings et de débats radiotélévisés. Le quart est appelé à voter pour la première fois, faisant planer le doute jusqu'à la dernière minute sur l'issue du scrutin. Finalement, c'est Herrera Campins qui gagne d'une courte tête (moins de 174 000 voix) la course à la présidence, avec 46,63 % des suffrages exprimés. Ensemble, COPEI et AD totalisent 89,98 % des voix, alors que le candidat du MAS, une fois de plus en troisième position, dépasse à peine 5 %. Ainsi se confirme l'existence de deux grands partis centristes qui détiennent le quasi-monopole de la vie politique.

Retard agricole

Élu pour cinq ans, le candidat démocrate-chrétien entre en fonctions le 12 mars 1979. Dans son discours d'investiture, Herrera Campins annonce la formation d'un cabinet de jeunes technocrates pour mettre fin aux excès du « Venezuela saoudite ». De fait, malgré des revenus pétroliers qui ont quadruplé au cours des dernières années, les investissements considérables de l'État dans l'industrie pétrochimique et la sidérurgie n'ont pas réduit l'écart des revenus entre la classe au pouvoir et l'ensemble de la population. Fait non moins grave : délaissant son agriculture, le pays a été obligé d'importer pour 2 milliards de dollars de produits alimentaires en 1978. Sans majorité au Parlement, le nouveau président de la République se voit confronté à de graves problèmes de structures.