La France engage une action sur deux plans : militaire et diplomatique. Au plan militaire, des mesures spectaculaires sont prises. Le 8e RPIMA est mis en alerte, on renforce la coopération militaire en Mauritanie, le ministre de la Défense, Yvon Bourges, affirme qu'« aucune action n'est à exclure », ce qui provoque un certain émoi à Alger.

En même temps, une campagne diplomatique intensive est dirigée vers l'Algérie. Le 30 octobre, le président Giscard d'Estaing adresse au président Boumediene une lettre lui demandant officiellement la « médiation » algérienne dans l'affaire des otages. La première réaction d'Alger est assez positive. Le gouvernement algérien se déclare « disponible » et l'ambassadeur d'Algérie à Paris affirme que « les otages français ne sont pas sur le territoire algérien ». Un diplomate français de haut rang, Claude Chayet, arrive à Alger pour y établir des contacts avec les représentants du Croissant-Rouge algérien d'abord, puis avec ceux du Polisario.

Paroxysme

Les entretiens de Claude Chayet ne sont pas concluants, la France refusant toute reconnaissance du Polisario en échange de la libération de ses ressortissants. À Alger, la presse critique violemment l'attitude française, et l'envoi d'un détachement militaire français en renfort à la base de Dakar est ressenti officieusement comme une intolérable « pression de Paris » Le négociateur français rentre le 6 novembre et déclare que rien n'est rompu, mais, à Alger, la crise atteint son paroxysme. À la suite de déclarations belliqueuses du roi du Maroc, on croît — ou on feint de croire — à une attaque marocaine imminente, soutenue par la France. Le dispositif militaire est renforcé aux frontières, les manifestations antifrançaises se multiplient à travers le pays et, à Alger même, 100 000 personnes défilent, le 7 novembre, criant « Giscard assassin ! » ; on brûle en effigie le président français. Le 14 novembre, le président Boumediene dénonce la « fausse neutralité » du gouvernement français et affirme que le problème des otages est « un rideau de fumée de la France pour masquer ses desseins ». Claude Chayet, discrètement revenu à Alger, a repris ses négociations — qui sont ajournées sine die le 19 novembre.

Mise en garde

Entre Paris et Alger, un froid durable s'installe, et les visites en Algérie de responsables politiques français de gauche (Lionel Jospin du PS, Georges Marchais du PCF) ne font qu'alourdir le climat. Lorsque Georges Marchais annonce, à partir d'Alger, le 14 décembre, « une solution prochaine » du problème des otages, ce geste est pris par l'Élysée comme un camouflet. V. Giscard d'Estaing met aussitôt Alger en garde contre les « ingérences dans la politique intérieure française ».

Les otages français seront malgré tout libérés le 23 décembre, et c'est le secrétaire général de l'ONU, Kurt Waldheim qui les ramène à Paris. Est-ce la fin d'une longue querelle franco-algérienne ? Non, car la polémique repart, lorsque les Français enfin libres commencent à parler : ils ont bel et bien été détenus en Algérie même, disent-ils. Le 30 décembre, le ministre français des Affaires étrangères, estime que les « responsabilités de l'Algérie sont clairement établies » et adresse une mise en garde sévère au gouvernement algérien. La réaction algérienne est rapide ; des directives sont données pour réduire l'importation de produits français (sont touchés les biens d'équipement). Des sociétés françaises sont nationalisées.

Renouer

Le 9 février 1978, coup de théâtre : au cours d'une interview télévisée, le président Giscard propose de nouer des relations nouvelles avec l'Algérie et d'essayer de retrouver l'« esprit d'Évian ». Les relations franco-algériennes ne seraient plus « privilégiées » et passionnelles, mais redéfinies dans un cadre normal. Des commissions gouvernementales spécialisées étudieraient les différents aspects, un organisme ad hoc traiterait les problèmes de coopération économique entre les deux pays. Ainsi seraient sauvegardés les intérêts réciproques des deux États — il y a 800 000 Algériens en France, 4 500 coopérants français en Algérie, et la France reste le second partenaire commercial de l'Algérie. Mais les limites politiques sont clairement fixées : la France, dit Valéry Giscard d'Estaing, « n'entend pas dicter sa politique à l'Algérie, mais elle n'entend pas non plus que l'Algérie se propose de la lui dicter ».