Qu'on en juge : le 29 juillet 1977, une étudiante noire est tuée par la police ; le 8 août, trois lycéens sont blessés ; le 16 août, un autre lycéen est grièvement blessé ; le 19 août, un jeune manifestant est tué par la police ; le 25 août, le gouvernement ferme les écoles secondaires de la cité ; le 21 septembre, un manifestant est tué par balles ; le 26 décembre, la police intervient en utilisant des gaz lacrymogènes ; en janvier 1978 éclate une grève des cours ; le 18 février, moins de 5 % des électeurs inscrits participent à un scrutin destiné à doter Soweto d'un conseil municipal bénéficiant d'une certaine autonomie, etc.

Les banlieues noires de Johannesburg restent les plus fiévreuses, mais ni celles du Cap ni celles de Port Elizabeth ou de Pretoria ne sont entièrement épargnées. En août 1977, l'expulsion de 26 000 Noirs des bidonvilles du Cap est l'occasion de violents incidents. En décembre, on déplore plusieurs blessés à Port Elizabeth, de même qu'en mars, à la suite d'un attentat qui fait également un mort. Des bagarres éclatent le 11 mars à Graaf-Reinet, lors des obsèques du leader noir Robert Sobukwe, etc.

Bantoustans

La politique dite « des Bantoustans », en vertu de laquelle Vorster mène à l'indépendance nominale ceux des foyers autonomes bantous qu'il estime prêts à gérer théoriquement leurs propres affaires, se heurte toujours à l'hostilité de l'opinion internationale. Quoi qu'il en soit, le 6 décembre 1977, le Bophuthatswana, mini-État composé de sept morceaux distincts, accède à la souveraineté internationale sous l'autorité du chef Lucas Mangope. Il n'est reconnu par personne — excepté par Pretoria —, comme le Transkei qui, en avril 1978, rompt d'ailleurs les relations diplomatiques avec son tuteur.

Mise en accusation pour sa politique d'apartheid, la République sud-africaine apparaît de plus en plus isolée sur le plan diplomatique. Les pays occidentaux se montrent de plus en plus intransigeants à son égard, y compris la France, longtemps considérée à Pretoria comme un interlocuteur particulièrement compréhensif. Certes, la France reste le 6e fournisseur et le 10e client des Sud-Africains.

En février 1978, le pavillon français est le plus grand pavillon du célèbre Rand Show de Johannesburg. Mais, le 22 août 1977, Paris a mis sévèrement en garde les Sud-Africains contre tout projet de préparation d'une explosion atomique dans leur pays.

Polémique

C'est à partir de ce projet supposé que se développe une polémique assez vive entre Paris et Pretoria. Les Sud-Africains qualifient l'attitude française d'« incompréhensible », mais donnent aux Français les assurances exigées. Puis Horwood, ministre sud-africain des Finances, redresse la tête, invoque le droit de son pays à « faire ce qu'il entend ».

Le lendemain, Paris « s'étonne » et Pretoria « exprime ses regrets ». Le charme est rompu. Annulant des commandes de la marine sud-africaine, Paris annonce, le 8 novembre, que ni les deux sous-marins en construction à Nantes ni les deux avions en construction à Lorient ne seront livrés à leur destinataire.

En représailles, Pretoria rompt, en novembre, un contrat passé avec la société française CGE. Le mois suivant, le personnel militaire sud-africain en France est rappelé.

Les partenaires occidentaux de la France ne sont pas étrangers à l'évolution de son attitude. En septembre 1977, l'Agence atomique de Vienne a exclu l'Afrique du Sud du conseil des gouverneurs. Dans le courant du même mois, les neuf pays de la CEE ont adopté un « code de conduite » commun à l'égard de Pretoria, qui équivaut à un début de mise en quarantaine. En octobre, Washington rappelle en consultation son ambassadeur en poste à Pretoria et menace de prendre des sanctions économiques contre les Sud-Africains. En novembre, le Conseil de sécurité de l'ONU impose un nouvel embargo sur les marchandises destinées à l'Afrique du Sud.

Namibie

L'évolution de la Namibie explique en partie l'intransigeance occidentale. Car, si le processus d'acheminement vers l'indépendance de l'ancienne colonie allemande du Sud-Ouest africain s'est amorcé avec la nomination par Pretoria, le 5 juillet 1977, de Marthinus Steyn comme administrateur général du territoire (doté en avril 1978 de « pouvoirs d'urgence »), Vorster semble surtout décidé, là encore, à gagner du temps. Les dirigeants sud-africains sont en tout cas visiblement tentés par une solution à la rhodésienne, qui leur permettrait de mettre la guérilla hors jeu. Mais Vorster et ses amis n'ont plus à compter seulement avec la Swapo. Ils doivent tenir compte des avis de leurs partenaires occidentaux.