Aménagement du territoire

Les élus locaux, soutenus par leurs administrés, réclament plus d'autonomie

La redistribution des pouvoirs, la régionalisation, la bataille contre la bureaucratie sont, en France, de vieux serpents de mer. Périodiquement, on réunit solennellement une commission, plus solennellement on publie son rapport et ses propositions. Le rapport Guichard (Journal de l'année 1976-77), joliment dénommé Vivre ensemble, avait été salué en 1976 comme une contribution significative à cette recherche d'un meilleur équilibre entre les exigences (légitimes) de l'État et les revendications de plus en plus pressantes des collectivités locales (communes, départements), des régions et des associations (notamment celles qui militent pour un meilleur cadre de vie et un urbanisme plus intelligent).

Dialogue

Conscient que le rapport Guichard — en dépit de ses propositions réalistes — jouait le rôle d'un chiffon rouge auprès de très nombreux maires de petites communes, le président de la République décide, au début de 1977, de le mettre quelque peu entre parenthèses et annonce qu'une vaste consultation de tous les maires sera organisée au cours de l'été. Les propositions et les suggestions des maires seront synthétisées et serviront à confectionner, au printemps 1978, un projet de loi fondamentale sur la réforme des collectivités locales.

L'idée fait grand bruit, car c'est la première fois que le chef de l'État passe par-dessus les corps intermédiaires (qui sont un rouage essentiel de la démocratie parlementaire) pour nouer un dialogue direct avec les élus de base qui sont, selon le mot du chef de l'État, « la racine de la démocratie et les organes les mieux placés pour améliorer la vie quotidienne ». Conséquence première de ce principe : l'autonomie communale doit être scrupuleusement respectée, ce qui implique le maintien de toutes les communes existantes.

C'est sur ces bases que Marc Becam, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Intérieur, se prépare à partir en campagne. Il va, à partir de juin, sillonner la quasi-totalité des départements (y compris outre-mer) pour expliquer aux maires que le gouvernement ne veut ni bâcler la réforme ni l'octroyer de manière technocratique. Première étape pour le lancement de l'opération : Vallouise, dans les Hautes-Alpes, à la lisière du parc des Écrins, le 27 juin 1977.

En même temps, il faut désamorcer la grogne des catégories d'élus autres que les maires, au premier chef les conseillers généraux. « Il ne faut pas imprudemment et inutilement bouleverser des structures qui ont fait leurs preuves. Aux administrations et aux experts l'étude et les suggestions, au gouvernement et aux seuls élus le pouvoir de décision », dit, rassurant, Ch. Bonnet, ministre de l'Intérieur.

À la rentrée d'automne, le moins qu'on puisse dire est que les maires n'ont pas montré un zèle excessif pour répondre au questionnaire du gouvernement. Alain Poher, président du Sénat et président de l'association des maires de France, affiche d'ailleurs une nette hostilité à l'initiative gouvernementale et demande à ses collègues de ne pas rendre leur copie avant le congrès de l'association. Et, fin octobre, seulement deux maires sur dix ont répondu. On relance la machine et, lorsqu'on fera le dépouillement, on comptabilisera 16 229 réponses, soit un taux de réponse de 44,6 %.

Ce sont les communes de moins de 2 000 habitants qui ont le mieux répondu, le moindre empressement ayant été constaté dans la tranche de communes comptant entre 20 000 et 50 000 habitants. Géographiquement, les communes de Haute-Corse ou de l'Aube ont le plus répondu, tandis que dans l'Aude ou dans l'Isère les maires se sont très peu passionnés pour cette affaire.

Voilà pour l'aspect politique — et, en l'absence d'un projet de loi, l'aspect théorique — de la réforme des collectivités locales.

Initiatives

Mais, sous la pression notamment de la crise de l'emploi, les villes et les départements ont pris des initiatives pour intervenir directement dans les affaires économiques et sociales qui concernent leurs habitants. Les maires sont d'autant plus en première ligne que beaucoup sont des élus de fraîche date (les élections municipales datent de mars 1977, Journal de l'année 1976-77), qui ont une sorte de revanche à prendre sur l'État. Si l'État n'a pas pu endiguer la montée du chômage et faire repartir l'industrialisation, pouvons-nous faire mieux que lui, se demandent bon nombre d'élus ?