Journal de l'année Édition 1978 1978Éd. 1978

Avant d'arrêter son programme, présenté à l'opinion et au Parlement le 20 avril, le Premier ministre a reçu une à une toutes les organisations syndicales, dont les délégations étaient conduites respectivement par André Bergeron pour FO (12 avril), Edmond Maire pour la CFDT (14 avril), Georges Séguy pour la CGT (25 avril), élargissant ses consultations à toutes les confédérations ouvrières, aux cadres, aux agriculteurs (FNSEA), à la Fédération de l'éducation nationale (FEN), aux Petites et moyennes entreprises (PME), etc., sans oublier, bien sûr, le patronat (CNPF). Celui-ci de son côté organise une série de rencontres avec les mêmes partenaires sociaux, qui défilent aussi chez le nouveau ministre du Travail, Robert Boulin, chez le nouveau ministre de l'Éducation nationale, Christian Beullac, à l'Agriculture, à l'Industrie, etc.

C'est bien la décrispation souhaitée par V. Giscard d'Estaing, même si elle n'est que temporaire, même si elle demeure fragile. Mais le président de la République a de son côté témoigné avec éclat de sa volonté d'ouverture, d'abord dans une allocution télévisée prononcée le 22 mars, ensuite en accueillant à l'Élysée les dirigeants de la majorité, à commencer par J. Chirac, mais aussi les chefs de la gauche, F. Mitterrand le 28 mars, puis G. Marchais le 30 mars (mais non Robert Fabre, qui a quitté la présidence du Mouvement des radicaux de gauche au lendemain des élections). Et, de leur côté, en se rendant à l'invitation présidentielle, si souvent lancée publiquement depuis quatre ans mais jamais acceptée jusque-là, le premier secrétaire du PS et le secrétaire général du PC reconnaissent en quelque sorte leur défaite. C'est ainsi, qu'on le veuille ou non, que ces consultations sont ressenties par le public.

Sur le fond, on n'attendait pas grand-chose de ces rencontres et chacun en effet reste sur ses positions. Le seul fait nouveau, c'est qu'elles aient eu lieu. La volonté d'ouverture se manifestera encore à l'occasion de la constitution de la délégation française à la session de l'ONU consacrée au désarmement, où se rend V. Giscard d'Estaing pour prononcer, le 25 mai, un discours-programme sur ce thème. Un socialiste, Jean-Pierre Cot, prendra place dans la délégation tout en maintenant son désaccord de fond avec les positions présidentielles, mais aucun communiste n'y sera invité et le PC en concevra de l'irritation.

La nouvelle Assemblée a inauguré la législature comme il est de règle, en élisant son président. Étrange rentrée qui voit s'affronter durement, devant le groupe RPR d'abord, au sein de la majorité ensuite, face à l'Assemblée enfin, le président sortant en place depuis 1973, Edgar Faure, et son prédécesseur des années 1959-1969, Jacques Chaban-Delmas, tous deux membres du groupe gaulliste. Jacques Chirac hésite, arbitre en faveur d'Edgar Faure, de telle sorte que l'élection au second tour de scrutin le 3 avril, après le retrait de son concurrent, de Jacques Chaban-Delmas, par 276 voix sur 488, prend l'allure d'un échec pour J. Chirac, d'un succès pour V. Giscard d'Estaing et ses amis. En revanche, les giscardiens du Parti républicain ne peuvent, en raison du refus du RPR, faire prévaloir un partage plus équitable des présidences de commissions, souhaité par le chef de l'État. Et, très vite, les querelles reprennent entre les deux partis associés, tandis que J. Chirac, en tant que maire de Paris, se heurte au pouvoir central à propos des charges et des impôts de la capitale, puis de l'admission envisagée de l'Espagne dans la Communauté européenne et de maintes autres questions.

Polémique à gauche

À gauche, ce n'est pas la division, mais presque la dislocation. Dans un premier temps, chacun des partenaires fait le procès de l'autre. Le PS accuse catégoriquement les communistes d'avoir saboté la victoire possible, d'avoir sciemment refusé d'aller au pouvoir pour ne pas s'y trouver en position d'infériorité face à un parti socialiste plus fort. Tout en déclarant désormais caduc le programme commun, F. Mitterrand maintient que la stratégie d'union de la gauche est la seule qui puisse permettre un jour de l'emporter.