Cependant, le principe du maintien du pouvoir d'achat était reconduit pour les fonctionnaires, et les créations d'emploi limitées à 36 800 (contre 66 000 en 1977). Mais le budget d'équipement était encore moins bien loti : là se trouvait le véritable sacrifice, avec une augmentation de 12,8 % contre + 20,1 % pour les dépenses de fonctionnement.

Quelques priorités étaient cependant reconnues : affaires étrangères, culture, environnement, jeunesse et, bien entendu, les « programmes d'action prioritaires » du VIIe Plan. La défense, quant à elle, évoluait à peu près comme l'ensemble des dépenses, dont la progression s'inscrivait finalement à 18,9 % — face à + 16,2 % seulement pour les recettes. D'où le déficit de 8,9 milliards de F, soit 0,5 % du PNB (proportion notablement inférieure à celle des autres pays).

Un collectif budgétaire déposé au printemps 1978 a confirmé ce chiffre : prévoyant 4,7 milliards de dépenses supplémentaires pour de nouvelles mesures sociales (principalement le renouvellement du pacte national pour l'emploi), mais, ajoutant 4,7 milliards de recettes prélevées à nouveau sur l'essence et le loto, il a donc été présenté en équilibre et n'a pas modifié l'impasse initiale. C'est le Premier ministre qui a, de lui-même, à la télévision, donné une évaluation double : « entre 15 et 20 milliards », précisant même que le déficit d'exécution serait encore « de cet ordre » en 1979.

Contraintes

Pour la cinquième année consécutive, le budget de la France sera donc déficitaire : – 37,8 milliards en 1975, – 17,2 en 1976, – 15 à – 20 en 1977, 1978 et 1979 En 1975, la moitié environ du découvert a été acceptée : c'est le coût de la relance Chirac. On peut en déduire que la crise a creusé depuis 1974 un trou d'une vingtaine de milliards entre recettes et dépenses : ce chiffre, comme une cicatrice, ne peut être effacé. On ne peut tomber en-dessous, à cause du ralentissement de l'économie ; c'est la contrainte inférieure.

Mais le drame est qu'on peut faire plus : – 30 milliards par exemple en 1978, « très facilement ! », admet-on rue de Rivoli ; et là s'exerce une seconde contrainte : le chiffre de 20, qui est un plancher, doit aussi être un plafond ; car, si l'on fait plus, il faudra le financer non plus par des emprunts mais par la création monétaire, ce qui relancerait l'inflation.

Ainsi s'explique la poursuite, et même l'accentuation, de l'assainissement après les élections, et singulièrement l'opération vérité des tarifs publics. Justifiant cette purge, le ministre de l'Économie, René Monory, a dit : « Notre objectif est d'assainir les finances publiques. Les 9 milliards de 1978 (le déficit initial) se sont multipliés et il faut donner un coup d'arrêt, car nous ne voulons pas créer de monnaie. » Mais ce qui ne laissait pas d'inquiéter, c'était l'effet que la hausse des prix risquait d'avoir sur la demande et par conséquent sur l'activité : la rechute était la grande menace qui pesait sur la reprise du printemps 1978.

Entre la stagnation et l'inflation, la voie est étroite pour le gouvernement de la France — et pour tout gouvernement, car il est frappant de voir tous les pays d'Europe, qu'ils soient gouvernés à droite ou à gauche, revenir à un conservatisme budgétaire très prononcé. C'est que, dans tous les pays, le déficit public s'est creusé dans des proportions colossales. En France comme ailleurs, le budget est appelé à porter longtemps les stigmates de la crise.