Budget

La stagnation alourdit le déficit

Beaucoup de Français rêvaient d'une politique radicalement nouvelle dont le budget aurait été l'outil. La défaite de la gauche aux élections de mars 1978 a mis un terme à cet espoir. Et l'on s'est retrouvé avec un budget terne, sans imagination, celui que Raymond Barre avait fait voter à l'automne 1977 et que certains avaient pris pour un budget d'attente.

En réalité, ce budget était assorti à la grisaille générale du paysage économique et, tout comme la politique poursuivie par le nouveau gouvernement de R. Barre, il portait la marque — indélébile — de la crise : ce budget auquel on a reproché d'être sans choix aurait difficilement pu être différent !

Rigueur

En matière budgétaire, 1978 a ainsi été l'année du non-événement... à moins de considérer comme un événement la décision prise après les élections de couper en deux le ministère de l'Économie et des Finances et de constituer le budget en ministère à part entière. La philosophie de cette opération était d'affaiblir la citadelle de la rue de Rivoli en séparant la gestion au jour le jour de la caisse, de la conduite de la politique économique générale. L'histoire dira si cette distinction est praticable, car le budget est l'instrument quotidien de la politique économique.

L'année 1977-1978 l'a encore amplement démontré. Conformément à la ligne du plan Barre, la rigueur budgétaire s'est ajoutée au contrôle des liquidités monétaires et à la pression directe sur les salaires. L'austérité qui a marqué tant l'exécution du budget de 1977 que la conception de celui de 1978 a ainsi contrasté de manière originale avec l'agitation politique et les promesses électorales qui fusaient de tous côtés.

1977 était la première année pleine du plan Barre lancé en septembre 1976. Le budget avait, à l'époque, été présenté avec un excédent symbolique (5 millions de F dans la loi de finances initiale), et le retour à une exécution équilibrée pouvait être espéré en cours d'année. Hélas ! C'était oublier la gravité de la crise survenue en 1974 ; celle-ci, en freinant durablement la croissance, déprime les rentrées fiscales et oblige en même temps à des dépenses de soutien de la conjoncture.

Passage à vide

En 1977, après un bon début, l'activité s'est de nouveau affaissée lorsque le plan Barre a fini par réduire la demande et, à sa suite, la production. Ce passage à vide, qui a duré jusqu'à l'hiver 1978, a diminué les recettes du Trésor (en particulier la TVA) et accru les opérations de soutien, aides aux secteurs en difficulté et allocations sociales diverses.

Les pertes de recettes ont quelquefois été délibérées, comme la suppression du prélèvement conjoncturel, ou serisette, qui aurait normalement dû s'appliquer aux entreprises le 1er janvier 1977. Autre exemple : le relèvement des tarifs publics au printemps 1977 a été limité à 6,5 % (la norme du plan Barre), alors que la hausse des prix a été supérieure (9 %) et que le rétablissement de la situation financière des entreprises nationales aurait nécessité plus encore ; cela a alourdi les subventions du budget à ces entreprises (près de 30 milliards de F), malgré un étalement de leurs dépenses d'équipement — problème que R. Barre a retrouvé, aggravé, en 1978.

Le déficit d'exécution n'a donc cessé de se creuser par rapport à la prévision officielle. Un effort d'actualisation a eu lieu dès mars 1977, ce premier collectif faisant passer le solde de la loi de finances des 5 millions symboliques à – 10 milliards ; il intégrait un supplément de 5 milliards de subventions et 8 milliards de dépenses sociales. Ensuite, en avril, est intervenu le Programme d'action gouvernemental ou plan Barre bis, qui s'est traduit par une nouvelle aggravation de près de 3 milliards du déficit budgétaire (– 12,8 milliards), pour financer des mesures sur l'emploi des jeunes, en faveur des familles et des personnes âgées (Journal de l'année 1976-77). Fin août, de nouvelles mesures de soutien ont été annoncées : majoration de l'allocation de rentrée (pour 5,1 millions d'enfants sur 13), déblocage de crédits mis en réserve au FAC (Fonds d'action conjoncturelle) au profit du bâtiment et des travaux publics, etc. D'où un nouveau projet de loi de finances rectificative, adopté en fin d'année peu avant un ultime collectif, qui portait le déficit à – 15,8 milliards. Le déficit définitif du budget de 1977 sera sans doute plus proche de 20 milliards.

Gonflements

« 15 à 20 », c'est ce même ordre de grandeur que le Premier ministre devait admettre dans un débat télévisé, le 17 mai 1978, pour le déficit d'exécution du budget en cours. Le phénomène de gonflement de l'impasse s'est donc reproduit en 1978. Pourtant, dès l'origine, le déficit avait été accepté : – 8,9 milliards dans le projet de loi de finances présenté en septembre 1977. C'était le premier découvert prévisionnel depuis 1969 (année du retour de Valéry Giscard d'Estaing aux affaires) et le plus important depuis la fin de la IVe République.