Journal de l'année Édition 1978 1978Éd. 1978

On néglige quelque peu, de ce fait, le travail à la base accompli par R. Barre et un certain nombre de porte-paroles de l'UDF et du Centre, Jean-Pierre Soisson et Jean Lecanuet en particulier. Le Premier ministre sillonne la France jour après jour, comme l'a fait de son côté depuis plusieurs mois J. Chirac. Candidat lui-même à Lyon, il va soutenir chaque soir dans leur ville des représentants de la majorité. Comme G. Marchais, F. Mitterrand et les porte-paroles de leurs partis respectifs font de même, la campagne est bruyante, incessante, obsédante.

Qu'on en juge par un exemple — et on aurait pu en choisir bien d'autres. Le samedi 11 février, un mois exactement avant le premier tour, le RPR organise un grand rassemblement à Pantin autour de Jacques Chirac, Michel Debré et Jérôme Monod. À Paris, puis à Vichy, François Mitterrand réclame une rencontre au sommet de la gauche entre les deux tours. Georges Marchais est à Nancy, Robert Fabre parle à Antenne 2, Georges Séguy à Europe 1 et l'Union des Français de bon sens tient convention à Paris. Chaque camp, mais aussi chaque parti détaille presque à l'infini le moindre chapitre de son programme, s'adresse tour à tour aux agriculteurs et aux ouvriers, aux artisans et aux commerçants, aux enseignants et aux parents d'élèves, aux patrons et aux salariés, aux citoyens pris en tant que contribuables, assurés sociaux, consommateurs ou automobilistes... Affiches, tracts, gadgets, tohu-bohu sur les ondes de la radio et de la télévision, des fortunes sont dépensées, et pourtant l'accessoire l'emporte bien souvent sur l'essentiel, et pourtant l'opinion, saturée, semble écouter à peine.

La majorité bénéficie d'un atout important : l'appui ouvert du président de la République. Dès l'automne, V. Giscard d'Estaing avait annoncé qu'il ferait connaître ce qu'il jugeait être « le bon choix pour la France ». Ce sera chose faite le 27 janvier 1978, devant la population de la petite ville de Verdun-sur-le-Doubs et le choix présidentiel est bien conforme à ce qu'on attendait. Cet appel en faveur de la majorité et contre le programme commun, assorti de la promesse renouvelée de demeurer à l'Élysée quoi qu'il arrive, V. Giscard d'Estaing le répète en diverses occasions, notamment le 27 février à Brégançon et surtout le samedi 11 mars, veille du premier tour, ce qui ne manque pas de susciter des protestations contre cette intrusion dans la campagne, si tardive qu'aucune réplique n'est possible.

Au moment où les bureaux de vote vont s'ouvrir, le baromètre des sondages est depuis huit jours déjà dissimulé aux regards du public, en vertu d'une nouvelle réglementation. Chacun reste sur l'impression que les jeux sont faits, que la gauche va prendre un avantage décisif et franchir la barre des 50 %.

12-19 mars 1978 : l'échec de la gauche

Le 12 mars au soir, la réponse du corps électoral est paradoxale et ambiguë. Les Français, qui paraissaient blasés du tintamarre de la campagne, ont voté en masse et il y a moins d'abstentions qu'à toute élection législative sous la Ve République. Le PS est devenu le premier parti de France tout en restant très en deçà des 28 ou 30 % que lui attribuaient les sondages. Le PC, sans atteindre tout à fait l'objectif qu'il s'était assigné — il s'en faut de 0,4 point —, se maintient. Avec les radicaux de gauche et l'extrême gauche, ce camp totalise 48,6 % des suffrages.

Quant à la majorité, l'avantage pris par les gaullistes du RPR sur leurs partenaires giscardiens et du centre unis dans l'UDF est modeste : 1,1 point. Et son score avec les candidats divers est inférieur à celui de la gauche : 46,5. Le reste ? Des inclassables pour 2,8 points et les écologistes, qui avaient mené grand bruit mais à qui leur division en tendances rivales a coûté cher, pour 2,1 points. Ainsi n'y a-t-il pas de vrai vainqueur, puisque la gauche demeure nettement en deçà de la fameuse barre des 50 %, pas de vaincu non plus puisque la majorité, bien que devancée, a mieux résisté qu'on ne s'y attendait.