Les années 1977-1978 se révèlent ainsi celles d'une certaine remise en cause des stratégies de croissance élaborées par la profession lors d'une longue période de pénurie de logements. Tout devient plus difficile et, exception faite de l'entretien courant, il n'est plus question d'« attendre le client ». Celui-ci présentera des besoins plus personnalisés et situés à un niveau supérieur de qualité. Il exigera, pour les travaux de modernisation, un interlocuteur unique, à charge pour les entreprises de regrouper les corps de métier, de développer leurs services commerciaux et leurs recherches de produits adaptés aux nouveaux marchés, y compris étrangers. Le bâtiment est conscient de la nécessité de ces mutations que la dispersion des entreprises et, souvent, la mentalité des entrepreneurs ne facilitent pas.

Chimie

La situation s'assainit lentement

Dans l'industrie chimique, les années se suivent... et se ressemblent. Ainsi le profil de 1977 a-t-il été aussi chaotique que celui de 1976 : un bon premier semestre suivi d'une brusque réduction des commandes au cours des six derniers mois.

Cette évolution a surtout affecté la chimie organique : alors qu'au premier trimestre la production avait fait 14,2 % de mieux que pendant la période correspondante de 1976, au quatrième trimestre elle a reculé de 2,5 %. Au total, sur l'année, la croissance du secteur a tout de même été de 4,8 %, c'est-à-dire qu'elle a été, comme en année normale, sensiblement égale au double de la croissance du produit national brut. Malgré l'hypothèque électorale, l'industrie chimique s'en tire sans grands dommages.

Dents de scie

Multiforme, multi-produits, très dépendante du coût de l'énergie et de l'environnement international, la chimie tarde à retrouver une santé qui lui fait défaut depuis les années fastes de 1973-1974. Ainsi certains secteurs sont-ils bien répartis, tandis que d'autres continuent à attendre une éventuelle reprise des commandes.

En crise au moment de la sécheresse de 1976, l'industrie des engrais a retrouvé depuis lors des niveaux de production satisfaisants ; en un an, la production d'engrais phosphatés a progressé de 22 % et celle d'engrais composés de 18,6 %. Les usines tournent donc assez normalement, bien qu'à un rythme moindre qu'en 1974. Cela dit, de nouveaux concurrents — les États-Unis et la Tunisie — sont apparus sur le marché, et, selon les professionnels, les prix restent inférieurs de 20 % à ce qu'ils devraient être pour leur assurer une rentabilité normale. Les producteurs ont tout de même effacé leurs pertes de 1976... La crise a d'ailleurs permis d'accélérer la réorganisation de la profession. Après la fusion des nationalisés — CDF-Chimie et APC, filiale de l'entreprise Minière et Chimie —, Rhône-Poulenc a pris le contrôle de l'enfant terrible de la profession, la Sopag, fief des frères Gardinier. Deux indépendants privés restent en piste face à ces néo-mastodontes : la Cofaz, filiale de Total et de Pierrefitte-Auby, et la Grande Paroisse, filiale de l'Air liquide (qui traverse, d'ailleurs allègrement toutes les crises). Il y a donc de la fusionite dans l'air.

Marasme

En dehors des engrais, la situation se présente toujours bien dans certaines spécialités dites « para-chimiques » comme les pesticides et les désherbants (Roussel-Uclaf vient de lancer un produit révolutionnaire), les parfums et les cosmétiques. La pharmacie progresse, pour sa part, à un rythme ralenti — de 2 à 3 % par an — sous l'effet d'une certaine saturation de la consommation.

Ailleurs, le tableau est nettement plus sombre et n'a commencé à s'éclaircir qu'au lendemain des élections législatives. Les secteurs touchés sont d'abord ceux de la chimie organique, celle qui est à base de pétrole. Les vapocraqueurs, monstres à cracher l'éthylène et le propylène, ne tournent encore qu'à 70 % de leur capacité. Les prix stagnent. En vérité, le marché en aval — celui des plastiques et des fibres synthétiques — est encore en situation de surcapacité, car certains gros utilisateurs, comme le textile, le bâtiment et le meuble, n'ont toujours pas apporté le coup de fouet que l'on espérait.