Le troisième larron du jeune cinéma d'outre-Rhin, Rainer Fassbinder, semble s'enliser dangereusement dans ses fantasmes morbides : son Rôti de Satan n'a guère convaincu. À signaler enfin, pour ses excès et les polémiques qu'il a soulevées, le film fleuve (sept heures) de Hans Jürgen Syberberg, Hitler, un film d'Allemagne, sorte d'opéra-exorcisme sur l'esprit du nazisme.

Grande-Bretagne

Une fois n'est pas coutume : on trouve cette année un film anglais aux premières places du box-office. Il est vrai qu'il s'agit des dernières aventures du plus célèbres de nos super-héros, l'agent 007, et que Roger Moore, qui l'incarne une fois encore, n'a peut-être jamais autant qu'ici disposé de supergadgets, du bâton de ski qui tue au fabuleux sous-marin de poche. Haletant, luxueux et drôle. L'espion qui m'aimait, de Lewis Gilbert, mérite, dans le domaine du divertissement, le succès qu'il a obtenu.

L'autre grand succès est un film de guerre à grand spectacle : Un pont trop loin, où Richard Attenborough, avec une pléiade de vedettes et de grands moyens, a reconstitué l'un des épisodes les plus sanglants de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Succès toujours assuré..

Bien plus beau, mais beaucoup moins apprécié du grand public, le plus intéressant des films britanniques de cette année reste l'adaptation que Ridley Scott a filmée d'un récit de Conrad, Duellistes, superbe affrontement de deux grands fauves, l'aristocratique John Carradine et l'orgueilleux soudard Harvey Keitel. À ne pas oublier, la reconstitution de la vie de Valentino, baroque, délirante, mais souvent très belle, et finalement très supérieure aux œuvres précédentes, d'un Ken Russel en grande forme, qui a eu l'excellente idée de faire appel, pour incarner le grand séducteur, au beau Rudolf Noureiev.

Enfin, cadeau surprise de fin de saison, un film tourné en 1937, inédit en France, Jeune et innocent, signé Hitchcock.

Pays divers

Parmi les quelques très grands films qui ont dominé l'année, deux viennent du Japon. Le bouleversant Barbe-rousse, d'abord, d'Akira Kurosawa. Cette longue chronique, en noir et blanc, de la vie quotidienne dans un hôpital pour pauvres au siècle dernier est une superbe évocation de la misère humaine, de l'injustice, de l'horreur de la vieillesse, de la maladie et de la mort.

Mais c'est aussi un merveilleux message de charité et d'espoir. Un message que l'on retrouve, mais comme en négatif, dans l'autre film venu du Japon : Voyage à Tōkyō. Yasujiro Ozu, cinéaste très fécond, jusqu'alors inconnu en France, y montre, lui aussi, mais dans le Japon d'aujourd'hui, la solitude des vieillards, cette fois devant l'ingratitude et l'indifférence de leurs enfants. Un beau film grave, aussi dépouillé qu'une épure.

Méditation

C'est, enfin, d'Union soviétique qu'est venu le dernier des très grands films de l'année : Le miroir, d'Andrei Tarkovsky. Une méditation sur la mémoire, sur l'enfance, une plongée psychanalytique dans les propres souvenirs de l'auteur, un hymne à la maternité et à la nature. Un film difficile, sans doute, à cause de son exceptionnelle densité. Mais à côté duquel les deux autres œuvres soviétiques, pourtant honorables, Les orphelins, de Nikolaï Goubenko, et Les tziganes montent au ciel, d'Émile Lotianou, paraissent d'un esthétisme bien académique.

À l'Est encore, le Polonais Andrzej Wajda, une fois de plus, joue la carte du lyrisme dans un film cependant plus dépouillé que d'habitude (peut-être parce qu'il a été tourné pour la télévision), Le bois de bouleaux. La Hongroise Marta Meszaros poursuit ses portraits de femmes avec Neuf mois et surtout Elles deux, où Marina Vlady trouve l'un de ses plus beaux rôles. Et, de Tchécoslovaquie, Vera Chytilova, après un long silence, envoie un joli film au ton très libre, Le jeu de la pomme, construit lui aussi autour du personnage d'une jeune femme cherchant amour et liberté.

Plus proche de nous, la Suisse, cette année, est restée un peu en retrait. Avec cependant trois bons films : Repérages, de Michel Soutter, chronique d'un tournage de film, toute en demi-teinte, qui donne surtout l'occasion au cinéaste de dessiner lui aussi trois jolis portraits de femmes, incarnés par Delphine Seyrig, Léa Massari et Valérie Mairesse, trois facettes, subtilement différentes, de la personnalité féminine.