Francesco Siciliani (académie Sainte-Cécile), Sylvano Bussotti et Luigi Floris Ammannati (Fenice de Venise), Gioacchino Lanza Tomasi (opéra de Rome), Nino Bonavolonta (opéra et conservatoire de Cagliari), Mario Porcile (festival de Nervi), Adriano Falvo (San Carlo de Naples) et des dizaines d'autres hauts fonctionnaires de la musique, de l'opéra et de la danse, artistes, responsables artistiques contractuels, agents et imprésarios indépendants sont accusés d'avoir violé la loi 800, votée par le Parlement italien en 1967, et qui interdit aux organisateurs de passer par des intermédiaires pour l'engagement des artistes, et de faire appel à des solistes étrangers, à moins qu'ils ne soient « d'une valeur exceptionnelle ».

Certains sont inculpés de « corruption et escroquerie aux dépens de l'État » ou d'« exportation illicite de capitaux ». À l'origine de toute l'affaire, il y a la plainte déposée en 1973 par l'avocat Umberto Sebastiani, dont l'épouse, soprano, se serait vu préférer des chanteurs étrangers habitués à verser une importante commission à qui pouvait leur garantir un cachet exceptionnel.

En fait, personne ne conteste que le marché du bel canto soit le plus sauvage des marchés artistiques. Mais tout le monde reconnaît que la loi italienne était inapplicable et que, d'ailleurs, l'Ufficio Scritture, organisme d'État qui aurait dû remplacer les intermédiaires, n'avait pas été créé.

La conjoncture est par trop spéciale pour qu'il soit possible de croire à la gigantesque escroquerie, à la truffa lirica que le juge Nino Fico et les journaux de droite dénoncent. Le scandale intervient au moment où la Démocratie chrétienne est en train de se refaire une vertu et où le parti communiste enregistre son premier fléchissement.

Les artistes, organisateurs et fonctionnaires impliqués dépendent presque tous des nouvelles municipalités communistes qui règnent sur les grandes villes du pays. Beaucoup d'entre eux (Bussotti et Lanza Tomasi en tête) sont ouvertement engagés. Les plus solides bastions conservateurs ou socialistes n'ont pas été touchés et les grands surintendants n'ont pas été inquiétés.

Ircam

Passage du XXe siècle, immense cycle inaugural de l'Institut de recherche et de coordination acoustique-musique (IRCAM), que dirige Pierre Boulez à Paris, aura occupé le devant de la scène française, avec 70 manifestations, tout au long de l'année 1977. En 10 concerts symphoniques, 20 concerts de l'Ensemble intercontemporain, 16 ateliers au Centre Pompidou, une semaine du soliste au Conservatoire et un mois de spectacle audiovisuel de Luciano Berio, on aura entendu 17 créations mondiales, 15 créations françaises et 9 partitions nouvelles spécialement commandées.

Évidemment, c'est peu pour l'initiative d'un organisme tourné par fonction vers l'avenir. Mais il avait été bien entendu que Passage serait avant tout un coup d'œil en arrière pour mieux aller de l'avant.

Néanmoins, on peut se demander s'il était bien raisonnable et utile de consacrer tant d'énergie et de moyens à jouer Mahler, Stravinski, Bartok, Schoenberg, Berg et Webern, dont la plupart, même en France, sont depuis longtemps entrés en répertoire ? Et pourquoi s'être limité à 15 compositeurs français (dont Debussy, Varèse, Messiaen et Boulez) sur les 104 inscrits au programme ?

Il n'en reste pas moins que Boulez a su, en un an, engager aux côtés de l'IRCAM et littéralement compromettre les plus lourdes machines de la musique française ; l'Orchestre de Paris, l'Orchestre national de France, l'Orchestre de l'Opéra et, fait bien plus extraordinaire encore, le Conservatoire national supérieur, bastion jusque-là imprenable du conservatisme officiel.

Créations

D'ailleurs, cette année n'aura pas révélé d'œuvres nouvelles de très grande importance au concert. La recherche semble se réfugier de plus en plus dans le théâtre musical.

Ainsi, le Festival d'Avignon 1977 a-t-il permis de découvrir le Collier des ruses, où le Marocain Ahmed Essyad fait un peu de l'héritage musical arabe et berbère ce que Schoenberg faisait de la tradition du cabaret dans le Pierrot lunaire. Tout semble authentique ici, et, pourtant, tout est inventé.