Les bâtiments s'ordonnent autour de deux places carrées : l'une communique avec l'entrée du centre commercial souterrain aménagé au-dessus de la gare du métro régional, l'autre donne sur le chevet de Saint-Eustache. D'un caractère assez monumental – puissantes colonnes appuyées sur un rez-de-chaussée en arcades, façade travaillée par un jeu de verrières et de bow-windows –, l'architecture rappelle le style de certains immeubles de l'entre-deux-guerres. Les mauvaises langues évoquent la Samaritaine.

Présenté pendant l'été 1977, le projet suit, plusieurs mois durant, un véritable parcours du combattant. Commission des sites de la ville de Paris (25 oct. et 18 nov.), Commission supérieure des abords des monuments historiques (à cause de Saint-Eustache) à trois reprises. Sans compter les va-et-vient embarrassés entre la mairie de Paris, fief de Jacques Chirac, et le ministère de la Culture, dévolu à Michel d'Ornano, son ancien challenger aux élections municipales. Sans oublier les prises de position des associations qui réclament un parti architectural d'ensemble. Sans négliger la pression constante entretenue par les responsables de la société d'aménagement des Halles, la SEMAH, pressée d'en finir et de tenir son calendrier.

Querelle

Le débat ne passionne pas le grand public, bien que l'architecte utilise largement les média – journaux, télévision – pour expliquer ses choix et fasse paraître un livre-credo : L'architecture d'un homme, au risque d'indisposer les autres architectes de son équipe, le Taller de Arquitectura, présenté jusque-là comme un lieu exceptionnel de travail collectif.

La querelle architecturale se cantonne aux spécialistes. Dans les commissions, les architectes des monuments historiques critiquent le caractère monumental de l'ensemble qui va, dit-on, heurter Saint-Eustache. En fait, ce qui gêne le plus est le côté un peu baroque et en tout cas très composite d'un style qui se veut l'expression d'une synthèse historique. « La méthode du Taller, explique Ricardo Bofill lui-même, est de chercher les sources dans l'histoire de la civilisation et de l'architecture, mais pour en invertir les valeurs. Non pour les remettre à leur place. »

On jugera de la force du projet dans deux ans, si le choix des matériaux, la finition des travaux et le soin apporté aux détails – dans la limite des prix HLM – ne rabaissent pas l'ambition initiale. « On ne peut pas faire une architecture de banlieue aux Halles », affirme Ricardo Bofill.

Tandis que se précise l'aménagement du nord de l'ancien carreau des Halles, le chantier du centre commercial souterrain bat son plein. Le forum commercial doit ouvrir au printemps 1979 (le métro est arrivé en décembre). À l'est, le long de la rue Pierre-Lescot, un palais régional de la musique va être construit. Le président de la République confirme, en avril, que l'État s'intéresse à cette affaire.

Restent deux points d'interrogation : les hôtels et les immeubles prévus au sud du futur jardin, rue Berger, ne trouvent pas preneurs, pour l'instant ; d'importantes surfaces sont encore disponibles dans le sous-sol proche de la Bourse du commerce, là où devait se construire l'immeuble de bureaux rayé de la carte par le président Giscard d'Estaing en 1974 (Journal de l'année 1974-75).