Seront-ils vraiment résolus ou seulement étouffés ? Suffit-il de changer l'étiquette pour modifier les comportements ? On le saura plus tard.

Huit cents bâtiments anciens promis à une nouvelle jeunesse

Un gymnase dans une chapelle, à Toulouse. Des HLM dans une filature, à Lille. Une banque dans une église, à Dijon. Pratiqué depuis toujours avec plus ou moins de bonheur – couvents-prisons, églises-marchés, etc. –, le recyclage des bâtiments anciens est à la mode et certains sont en passe d'en faire une théorie.

Gaspillage

À l'unisson des cantiques écologiques, les chantres de la réutilisation des bâtiments désaffectés, monuments historiques ou édifices ordinaires, présentent une argumentation solide. Ils dénoncent le gaspillage qui consiste à laisser s'écrouler des édifices parfois prestigieux dans le centre des villes, pour aller construire en banlieue des collèges industrialisés, des centres culturels de verre et d'acier, où personne ne se reconnaît. Ils vantent les attraits des édifices, même ordinaires ou mal vus, comme les usines, qui ont pour principal mérite d'avoir toujours été là et de faire partie du paysage quotidien. Cette discrétion est appréciable à une époque où le goût du gigantisme, les méfaits du style international et du fonctionnalisme sont quotidiennement critiqués. Une nouvelle génération d'architectes tourne le dos au style m'as-tu vu et accepte de se couler dans les anciens moules, en détournant leur usage et leur image.

L'un des projets les plus ambitieux est le résultat d'un concours lancé à Lille par l'office d'HLM. Au lieu de continuer à démolir les usines pour construire à leur place des tours de logements, deux architectes, Philippe Robert et Bernard Reichen, ont proposé d'installer, dans les murs d'une filature désaffectée (3 000 m2 dans un bâtiment de 190 m de long), des ateliers dans les étages inférieurs, une maison de quartier, divers équipements et des logements, dont certains en duplex, dans les niveaux supérieurs. Le bâtiment sera légèrement modifié dans le haut pour créer des terrasses, mais l'essentiel restera en place. Le budget global est de 23 millions de F, dont 16 pour les logements.

Expériences

Rarement tentée pour des logements, l'expérience l'a déjà été pour des centres culturels. L'exemple des entrepôts Laîné à Bordeaux est connu. Il existe à Marseille un projet de théâtre dans l'ancienne criée aux poissons. À Fécamp, une ancienne usine, en plein centre, doit accueillir le centre culturel municipal. L'architecture métallique du XIXe siècle prend la relève des granges, couvents et autres commanderies de Templiers, déjà réutilisés depuis plusieurs années.

Les responsables du patrimoine monumental sont très conscients de cette occasion donnée aux édifices historiques de sauver leur peau en se rendant utiles. Un colloque organisé en janvier 1978 à Avignon, dans le palais des congrès installé à l'intérieur d'une partie du palais des Papes, a fait le tour de la question. Les problèmes techniques, et parfois esthétiques, et notamment la réticence de certains architectes des monuments historiques, ainsi que les questions financières ont été évoqués. L'expérience des centres culturels de rencontre et de séjour installés dans les abbayes de Royaumont, de Saint-Maximin, de Sénanque, des Prémontrés et de Fontevraud et dans les salines de Ledoux à Arc-et-Senans continue de faire des envieux, bien que les bilans financiers ne soient pas toujours encourageants.

Une commission a été chargée par le Premier ministre de réfléchir au problème, sous la présidence de Dieudonné Mandelkern, secrétaire général de Matignon. Les solutions culturelles ne suffisent pas, face à l'ampleur du patrimoine en déshérence : plus de 800 monuments, grands ou petits, ont été recensés. Il faut trouver – et admettre – d'autres usages, même pour les églises rurales, si nombreuses et si menacées.

Toutes ces difficultés sont loin d'être résolues. Mais un nouvel état d'esprit se dessine. Les pays étrangers, pourtant moins riches en témoignages du passé, ou précisément pour cette raison, ont parfois donné l'exemple. À New York ou à Amsterdam, le dernier chic est d'habiter d'anciens ateliers – les lofts – ou des entrepôts désaffectés. À Londres, un hôtel et un complexe de loisirs luxueux ont été installés dans les anciens docks Sainte-Catherine, tandis que le Cannery de San Francisco, ancienne conserverie, est maintenant un ensemble de restaurants, de cinémas et de cafés. Même le Japon recèle d'autres expériences. Échaudés par les phénomènes de rejet, l'architecture contemporaine se glisse dans les carcasses oubliées des vieux mondes. Comme pour se faire pardonner.

Les Halles : querelle de spécialistes autour du projet R. Bofill

Un point de mire : les Halles. Un architecte-diva, Ricardo Bofill. Il n'en faut pas plus pour créer, pendant toute la saison architecturale, un débat esthétique qui escamote les vraies questions.

Saint-Eustache

Le permis de construire (demandé en juillet 1977) pour 250 logements qui seront édifiés rue Rambuteau, à côté de l'église Saint-Eustache, est enfin accordé le 22 avril 1978. L'ensemble de logements conçu par l'équipe de l'architecte catalan Ricardo Bofill va notamment permettre de cacher l'usine de climatisation de tout le nouveau quartier : au grand dam des associations de défense, un bloc de béton sans fenêtres de 27 mètres de haut a déjà été édifié, et ses 55 mètres de façade sur la rue de Turbigo seront habillés en trompe-l'œil à l'Haussmannienne. Les logements, dits sociaux, seront construits par une société d'économie mixte, la Régie immobilière de la ville de Paris.