Sa succession le préoccupe pourtant. Il ne cache plus qu'« il y a encore des ennemis à l'intérieur du pays ». Ce sont d'abord les nationalistes, qui « aimeraient que le passé revienne » (un de leurs leaders, le docteur Nicolas Novakovic, est condamné à 12 ans de prison), mais surtout les kominformistes, nostalgiques du stalinisme. Le régime continue de les traquer. En novembre 1977, on apprend l'arrestation d'un de leurs principaux dirigeants : Mileta Perovitch. Accusé « d'avoir agi en vue de soumettre la Yougoslavie à la tutelle d'États étrangers », il est condamné le 13 avril 1978 à 20 ans de prison.

Face aux autres dissidents, le pouvoir joue la carte d'une tolérance tempérée. Une amnistie est décrétée le 29 novembre, jour de la fête nationale. Elle touche 732 prisonniers, parmi eux l'écrivain contestataire Mihajlo Mihajlov (condamné en 1974 à 7 ans de réclusion).

Le renouvellement des assemblées de chaque république, de l'assemblée et du gouvernement fédéral, a lieu en mai, et en juin ce sont les instances dirigeantes de la Ligue communiste qui sont renouvelées lors du XIe Congrès. Veselin Djouranovitch reste président du Conseil fédéral et dix de ses ministres conservent leur poste, mais Milos Minitch, appelé à la coprésidence de la Ligue, est remplacé aux Affaires étrangères par Josip Vrhouetz, premier Croate à accéder à ce poste.

Le XIe Congrès est celui de la continuité. Le « pluralisme des autorités autogestionnaires », le rôle de critique constructive du parti et l'attachement au non-alignement sont réaffirmés.

Lutte contre l'inflation, contre la hausse des prix (11 % en 1977), limitation des investissements, amélioration de la balance commerciale (environ 3 milliards de dollars de déficit en 1977), accélération du développement des régions sous-développées, lutte contre le chômage enfin (700 000 chômeurs) sont les grandes lignes de force de la politique économique. On enregistre un accroissement de 11 % de la production industrielle par rapport à 1976.

Voyages

Mais, de ces douze derniers mois, on retiendra principalement les nombreux voyages accomplis par le chef de l'État, qui se veut champion de la détente et chantre du non-alignement.

Durant trois semaines, à partir du 16 août 1977, Tito visite successivement Moscou, Pyongyang et Pékin, prouvant ainsi qu'on peut entretenir d'excellents rapports avec tout le monde, même en rencontrant les ennemis de ses amis. Au Kremlin, fidèle à lui-même, il réaffirme le droit de Belgrade au non-alignement. « Nous menons une politique extérieure totalement indépendante, déclare-t-il. Telle est la base durable de notre coopération fructueuse avec l'URSS. »

Après la Corée du Nord, où il apporte de nouveau son appui aux thèses de Kim II Sung sur la réunification des deux Corée, c'est la visite en Chine, que Tito qualifiera d'« extraordinaire tant par la façon dont nous avons été accueillis que par ses résultats ». Cette visite met le point final à une longue querelle entre les deux pays et aboutit à une relance spectaculaire de la coopération sino-yougoslave.

Visite officielle à Paris du 12 au 14 octobre, où il n'était pas venu depuis 21 ans. Tito y affirme son désir de voir s'instaurer une coopération plus large, non seulement avec la France, mais aussi avec la Communauté économique européenne. C'est ensuite Lisbonne, Alger, Washington et Londres, en mars 1978. Malgré le semi-échec de la conférence de Belgrade, le problème des droits de l'homme reste au centre des entretiens au cours desquels on aborde aussi la situation au Proche-Orient. Sujet qui sera, bien sûr, au centre des conversations avec Hussein de Jordanie qui vient en visite officielle en avril.

Madame Tito

« Existe-t-il un mariage où, à un moment ou à un autre, des différences n'apparaissent pas sur ceci ou cela ? Il s'agit d'une question personnelle qui n'a rien à voir avec la politique », déclare le chef d'État yougoslave, à l'occasion d'une interview accordée au New York Times en mars 1978. Il met ainsi un point final aux rumeurs qui n'ont cessé de courir au sujet de son épouse, Jovanka Broz, invisible depuis des mois. « Elle est ma femme ; elle reste ma femme. Elle vit à ma résidence de Belgrade », conclut-il.

La conférence de Belgrade

De l'avis général, le seul réel acquis de la conférence de Belgrade, du 4 octobre 1977 au 8 mars 1978, est le rendez-vous fixé en novembre 1980 à Madrid par les 35 participants à la conférence Est-Ouest sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE).