Revirement ou non, il reste que l'URSS continue de conserver une influence prépondérante dans la corne de l'Afrique, notamment grâce au Yémen du Sud où l'URSS a installé l'infrastructure portuaire qu'elle avait dû abandonner à Berbera, en Somalie. Par le coup d'État du 26 juin, qui a vu la chute du président Salem Robaya, accusé de vouloir abandonner les options socialistes au profit de meilleures relations avec ses voisins, notamment l'Arabie Saoudite, l'URSS affermit encore un peu plus sa position dans ce pays.

Si l'Égypte manifeste toujours un antisoviétisme vigilant, le Soudan, en revanche, conscient de la pression que peuvent exercer ses voisins pro-soviétiques (Libye, Ouganda, Éthiopie), a rétabli en mai ses relations diplomatiques avec l'URSS.

Pragmatique, se préoccupant peu des affinités idéologiques qu'elle peut, ou non, avoir avec les pays où elle veut s'implanter, l'URSS poursuit son offensive tous azimuts. Ainsi, elle signe, le 10 mars 1978, avec Rabat un très important accord de coopération, portant sur l'exploitation des phosphates, pour un montant de l'ordre de 2 milliards de dollars. Ce contrat du siècle, auquel s'ajoute un accord de pêche signé le 27 avril, place désormais le Maroc comme premier partenaire économique de l'URSS en Afrique. Ce qui ne va pas sans mécontenter évidemment l'Algérie, opposée au Maroc dans l'affaire sahraouie, affaire à propos de laquelle l'Union soviétique fait preuve de la plus grande prudence.

L'offensive majeure semble pourtant converger vers le sud de l'Afrique. Jouant sur l'instabilité de cette partie du continent minée par les conflits tribaux et raciaux, l'URSS aide directement ou indirectement (par Cubains ou Allemands de l'Est interposés) les mouvements de libération, espérant un jour tirer profit de ce soutien, non seulement au Zaïre, en Rhodésie ou en Namibie, mais aussi et surtout en Afrique du Sud, d'où elle pourrait alors commander enfin la route du Cap, axe essentiel pour l'approvisionnement de l'Occident en matières premières.

Salt

Politique qui n'améliore pas les rapports avec les États-Unis. Les accords Salt 2 pour la limitation des armements ne sont toujours pas signés et la tension entre les deux pays monte périodiquement, tant du fait de la campagne menée par Jimmy Carter pour la défense des droits de l'homme (notamment pendant la conférence de Belgrade) qu'à cause de la stratégie de l'URSS en Afrique.

Pour le Kremlin, la signature des accords Salt et la mise en sommeil de la campagne de Jimmy Carter en faveur des libertés humaines sont les conditions sine qua non d'une bonne entente. Si, au début d'octobre, après les entretiens d'Andrei Gromyko à Washington, le dégel est sensible entre les deux pays — on parle même à Moscou d'un éventuel sommet Brejnev-Carter —, les mises en garde de Washington à propos de l'intervention soviétique en Éthiopie en février, le discours de J. Carter en mars, où il dénonce « le penchant inquiétant de l'URSS à intervenir dans les conflits locaux », provoquent de nouvelles tensions.

Elles seront un peu dissipées en avril par la visite à Moscou du secrétaire d'État américain Cyrus Vance et l'annonce, par la Maison-Blanche, de l'ajournement de la fabrication de la bombe à neutrons, arme contre laquelle l'Union soviétique avait déclenché une campagne particulièrement violente.

Mais, à la fin du mois de mai, c'est à nouveau l'escalade provoquée par le conflit du Shaba, l'intervention occidentale et les accusations contre l'URSS lancées par Jimmy Carter. Le 31 mai, Leonid Brejnev, en visite à Prague, dénonce « ceux qui torpillent le processus de la détente et veulent retourner, sinon à une guerre froide, en tout cas à une guerre fraîche ». Le 7 juin, la Pravda stigmatise sévèrement « le regain d'activité aux États-Unis des adversaires du dialogue soviéto-américain » et met en cause l'administration de Washington, responsable, selon elle, de l'« empoisonnement de l'atmosphère internationale ». La Pravda va même jusqu'à inviter Washington à « choisir entre Pékin et Moscou ».