La condamnation de Youri Orlov, dont le seul crime fut de recueillir et diffuser des informations montrant que le pouvoir soviétique ne respectait pas les engagements qu'il avait pris à propos des droits de l'homme en signant l'Acte final d'Helsinki, provoque une réprobation générale en Occident ; l'Humanité va jusqu'à qualifier le verdict de « déni de justice ».

Deux journalistes américains qui avaient interviewé la femme d'un prisonnier politique sont inculpés, à la fin du mois de juin, pour diffamation.

Ces réactions laissent indifférentes les autorités, qui semblent décidées à décapiter la dissidence avant les jeux Olympiques de 1980. À cette époque, en effet, de nombreux étrangers viendront en URSS, et il est hors de question qu'ils puissent entrer en contact avec ces contestataires, qui trouveraient là une incomparable tribune.

Trois moyens pour y parvenir, les arrestations d'abord. Deux autres dissidents célèbres sont en instance de jugement : Alexandre Guinzbourg, ancien secrétaire d'Alexandre Soljenitsyne et administrateur du Fonds d'aide aux prisonniers politiques et à leurs familles. Arrêté (pour la troisième fois depuis 1960) le 3 février 1977, il est inculpé lui aussi d'« agitation et propagande antisoviétique ». L'autre inculpé est Anatoli Chtcharanski, 29 ans, militant juif des droits civiques, arrêté le 15 mars 1977. Accusé de haute trahison au profit de la CIA, il risque la peine de mort. En novembre l'agence Tass annonce à son propos : « Le traître sera puni avec toute la rigueur de la loi soviétique. »

Outre ces deux vedettes de la contestation, de nombreux autres dissidents sont arrêtés. En Ukraine, en Géorgie, en Lituanie, en Arménie, les divers groupes de surveillance des accords d'Helsinki sont littéralement décimés. Les minorités religieuses ne sont pas épargnées, notamment les adventistes du 7e jour dont le chef de l'Église, Vladimir Chelkov, 83 ans, est arrêté le 14 mars, ou les pentecôtistes pour qui le seul espoir (partagé avec de nombreux Juifs) réside dans l'émigration.

Exil forcé

Cependant, on pousse les intellectuels marginaux à choisir l'émigration ; mesures d'intimidation, perquisitions, licenciements, menaces d'arrestation se multiplient. C'est un autre moyen de saper la dissidence. Tout comme l'exil forcé : cas de l'ancien général Piotr Grigorenko, figure marquante du mouvement de défense des droits de l'homme, qui, parti aux États-Unis le 30 novembre, avec un visa de sortie de six mois, pour y subir une opération chirurgicale, est déchu de sa nationalité le 13 février 1978, par décret du Soviet suprême signé par Brejnev. En conséquence il lui est impossible de rentrer en URSS.

Une mesure identique — qualifiée d'« inacceptable » par le PCF — est prise un mois plus tard, le 15 mars, à rencontre du chef d'orchestre et violoncelliste Mstislav Rostropovitch et de sa femme, la cantatrice Galina Vichnevskaïa, dont les visas de sortie, accordés en mai 1974, avaient été prorogés jusqu'au 20 mars 1978.

Le troisième moyen utilisé pour décapiter la dissidence est d'isoler ces « renégats payés par l'Occident », de faire le vide autour d'eux, en incitant leurs proches ou les correspondants occidentaux à ne plus les fréquenter, sous peine de perdre emploi, appartement ou même liberté, ou encore d'être expulsé après avoir été accusé d'espionnage. L'exemple le plus marquant est celui de l'académicien et prix Nobel Andreï Sakharov, qu'on est allé jusqu'à priver de téléphone et qu'on continue de menacer de sanctions s'il persiste à « troubler l'ordre public ».

Malgré ces mesures — et malgré les déclarations de Youri Andropov, chef du KGB, selon lequel « le nombre des dissidents diminue de plus en plus » —, sans cesse de nouveaux protestataires prennent le relais. On voit, pour la première fois, la naissance au début de l'année d'un syndicat libre, créé par un groupe de techniciens et d'ingénieurs, mécontents des syndicats officiels qui refusent de s'occuper d'eux. À leur tête Vladimir Klebanov, ancien mineur, qui est arrêté avec trois autres militants, le 7 février. Le mouvement n'est pas mort pour autant car, le 11 juin, Troud, journal des syndicats soviétiques, prend violemment à partie ces syndicats libres, regroupant, selon lui, des « renégats dissidents qui n'ont rien de commun avec les travailleurs ».

Économie

La campagne intensive menée fin 1977 dans tous les organes d'information pour inciter les Soviétiques — selon les vœux de Leonid Brejnev — à « travailler aujourd'hui mieux qu'hier et mieux demain qu'aujourd'hui » s'explique sans doute par le bilan économique plus que médiocre.