Les cérémonies commencent le 2 novembre par un discours de Leonid Brejnev, qui propose de faire un pas décisif dans la voie du désarmement en s'entendant sur la cessation simultanée de la production des armes nucléaires par tous les États. Elles s'achèvent le 7 novembre par le traditionnel défilé sur la place Rouge, marqué bien sûr par un faste accru. À l'exception du maréchal Tito (venu à Moscou en août), des représentants de la Chine et de l'Albanie, les principaux dirigeants des pays socialistes sont là, montrant que la cohésion du bloc de l'Est est presque sans faille.

Mais l'absence de Georges Marchais à la tête de la délégation du PCF, conduite par Paul Laurent qui regrette, à son retour à Paris, que L. Brejnev n'ait pas fait allusion dans son discours « aux erreurs du passé » ; mais l'impossibilité dans laquelle s'est trouvé Santiago Carrillo, secrétaire général du PCE, de prendre la parole au cours de la cérémonie au Kremlin, et qui, revenu à Madrid, confie : « les dirigeants soviétiques ne se sont pas encore habitués à l'existence des partis communistes indépendants » avant d'ajouter que le communisme « a besoin d'un concile du genre Vatican II » ; mais les propos hétérodoxes d'Enrico Berlinguer, secrétaire général du PCI, prouvent — entre autres incidents — que les désaccords existant entre Moscou et les tenants de ce qu'on appelle l'eurocommunisme ne sont pas tous éliminés.

Eurocommunisme

Cela, même si pour certains idéologues comme Boris Ponomarev, secrétaire du comité central, ou Victor Afanassiev, rédacteur en chef de la Pravda, « l'eurocommunisme n'existe pas » et qu'il n'est qu'« une conception inventée par la bourgeoisie pour essayer de transformer les différences en divergences et les divergences en divisions ». Leonid Brejnev, dans son discours du 60e anniversaire, souligne que « les déviations de la ligne marxiste-léniniste, les écarts par rapport à l'internationalisme prolétarien sont sources inévitables d'échecs, de sévères épreuves pour le peuple ».

Propos que n'entendra pas Enrico Berlinguer. Alors que la plupart des orateurs étrangers font l'éloge de l'URSS et de ses chefs, le secrétaire général du PCI déclare à la tribune qu'il « ne peut y avoir de partis dirigeants ou de partis dirigés » dans le mouvement communiste international, avant de souligner la nécessité de « réaliser une société nouvelle socialiste garantissant toutes les libertés individuelles et collectives, civiles et religieuses, le caractère non idéologue de l'État, la possibilité pour divers partis d'exister, le pluralisme dans la vie sociale, culturelle et intellectuelle ».

Paroles que ne démentiront pas ceux qu'on appelle communément les dissidents et que l'amnistie partielle décrétée le 4 novembre ne concerne évidemment en rien.

Dissidents

L'offensive contre eux se poursuit. Dans un article publié début octobre — au moment de l'ouverture de la conférence de Belgrade — par Komounist, revue du comité central du PC soviétique, Mikhaïl Souslov, sévère gardien de l'orthodoxie, rappelle qu'il convient de lutter contre cette « poignée insignifiante de contestataires ». « Exiger les coudées franches pour ces renégats, écrit-il, signifie en fait exiger la liberté pour les activités subversives de l'impérialisme à l'intérieur des frontières. »

C'est au nom de ce principe que Youri Orlov, 53 ans, physicien, fondateur du groupe moscovite de surveillance de l'application des accords d'Helsinki, comparaît le 15 mai 1978 devant le tribunal populaire de Moscou, où le seul public admis est composé de policiers et de militants du parti. Arrêté le 10 février 1977, il est mis au secret à la prison de Lafortovo. Accusé d'« agitation et de propagande antisoviétique », il est condamné, le 18 mai, à la peine maximale réclamée par le procureur : 7 ans de camp de travail, plus 5 ans d'assignation à résidence dans un lieu d'exil.

Au même moment, à Tbilissi, deux Géorgiens, eux aussi militants pour l'application des accords d'Helsinki, sont condamnés à 3 ans de prison et 2 ans d'assignation à résidence pour les mêmes motifs.