La santé de Leonid Brejnev (71 ans le 19 décembre 1977) continue d'être préoccupante. Déjà, à l'issue du sommet de Rambouillet (Journal de l'année 1976-77), on relève des signes inquiétants. À l'exception d'une brève apparition pour une remise de décoration (le 5 janvier 1978), il reste invisible du 9 décembre au 30 janvier. Explication officielle : grippe, compliquée d'une pneumonie, qui oblige à reporter de nouveau la visite qu'il devait faire à Bonn en février. Cette visite aura lieu en mai. Cependant, là encore, on remarque la mauvaise forme physique du No 1 soviétique, sa démarche pénible, son visage boursouflé, son élocution difficile, sa surdité naissante.

Malgré cette détérioration — due selon certains à une maladie cardio-vasculaire — entrecoupée de sursauts spectaculaires, l'emprise de Brejnev sur le pouvoir semble plus ferme que jamais. Chef du PC soviétique depuis 13 ans, président du présidium du Soviet suprême depuis le 16 juin 1977, il reste le patron incontesté de la vieille garde qui continue de diriger l'URSS. Même si Mikhaïl Souslov, 76 ans, tombeur de Khrouchtchev et idéologue du régime, reste toujours aussi vigilant et si Andrei Gromyko, 68 ans, prend un poids que ne lui vaut théoriquement pas sa fonction de ministre des Affaires étrangères.

Pendant l'absence de L. Brejnev, ce sont ces deux derniers qui, en compagnie d'Alexis Kossyguine, 74 ans, chef du gouvernement, se sont partagé les responsabilités du pouvoir, tandis qu'Andrei Kirilenko, fidèle parmi les fidèles de Brejnev et officiellement No 2 du bureau politique, dirigeait le travail au sein du parti. Dans ces hautes sphères, où l'âge avancé des membres est l'une des principales caractéristiques (l'âge moyen du Politburo est 67 ans), certains jeunes pourtant commencent d'émerger. En exceptant Youri Andropov, 63 ans, chef du KGB depuis 14 ans, dont l'image de marque, du fait de sa fonction, est difficilement conciliable avec un poste de premier plan, on peut parler d'un groupe de jeunes loups d'où sortira peut-être un jour le véritable successeur.

Trois noms à retenir en particulier : Fedor Koulakov, 59 ans, responsable des questions agricoles au secrétariat du comité central ; Grégori Romanov, 54 ans, le plus jeune des membres du bureau politique ; Vladimir Chtcherbitski, 59 ans, premier secrétaire du comité central du PC ukrainien, à qui Brejnev lui-même remet l'ordre de Lénine le 29 septembre et qu'on donnait comme candidat possible au poste de premier vice-président du présidium.

Constitution

Qualifiée par les commentateurs soviétiques d'« événement le plus important dans le monde », l'adoption de la loi fondamentale de l'URSS a été précédée d'un débat dans l'opinion qui aura duré quatre mois et auquel la presse écrite et audiovisuelle aura réservé une très large place (une page par jour dans les quotidiens). Selon les chiffres officiels, plus de 650 000 réunions ont eu lieu dans les entreprises, avec la participation de près de 140 millions de travailleurs, qui ont envoyé plus de 750 000 propositions de rectification à la commission constitutionnelle.

Ces lettres, véritables cahiers de doléances, reflètent les préoccupations immédiates des Soviétiques et touchent aussi bien au problème du logement qu'à l'amélioration du chemin de fer ou du régime des retraites. Certaines plaident en faveur d'une centralisation accrue ou d'un durcissement de la répression des marginaux, mais d'autres demandent que le droit de critiquer les fonctionnaires soit mieux assuré par la Constitution.

Cet appel sera entendu, et l'article 49 modifié dit que les fonctionnaires qui auraient engagé des « poursuites pour fait de critiques auront à en répondre ». Une centaine d'autres amendements et un article nouveau concernant le droit des citoyens à faire des « recommandations » à leur député ont été introduits dans le projet initial, qui compte 173 articles contre 146 pour la Constitution de 1936.

Anniversaire

Le vote de la nouvelle Constitution, qui permet à Brejnev d'effacer l'un des derniers vestiges officiels du stalinisme, coïncide, à moins d'un mois près, avec le 60e anniversaire de la Révolution d'octobre, célébré en grande pompe dans une capitale illuminée, pavoisée de drapeaux rouges et ornée de portraits de Marx, Engels, Lénine et des membres du bureau politique du PC.