Il n'empêche que la commission Furgler oblige les Suisses à s'interroger de manière systématique sur l'état de l'union. Faut-il redéfinir les compétences de l'État central et des cantons ? Faut-il permettre que le premier s'arroge de nouveaux pouvoirs sans modifier, précisément, la Constitution, ou sans y déroger par un « arrêté d'urgence » ? Faut-il énumérer systématiquement les droits fondamentaux de l'individu ? Faut-il formuler de manière explicite les fameux droits sociaux (emploi, retraite, éducation, logement, etc.) qui ne figurent nulle part, sauf quelques bribes dans la jurisprudence du Tribunal fédéral ? Aucune de ces propositions n'est nouvelle. Mais, rédigées, ordonnées, articulées en un texte concis de 118 articles, elles clarifieront le débat : même si la révision totale n'aboutit jamais, il n'est pas impossible qu'elle ouvre le chemin, lentement, à des réformes partielles.

Lassitude

En attendant, la démocratie semi-directe s'emballe. Après une longue période où le peuple semblait s'accommoder sans trop broncher des lois que lui faisaient les Chambres, il se confirme que l'institution de l'initiative constitutionnelle et, plus encore, celle du référendum législatif entrent en période d'inflation. Les collectes de signatures — pour ceci, contre cela — se suivent et se chevauchent sans désemparer. Par conséquent, les scrutins se multiplient, et le souverain se rend aux urnes, quatre ou cinq dimanches par année, pour répondre (avec un taux d'abstentionnisme élevé d'ailleurs) à quatre, cinq ou six questions différentes à la fois. Il manifeste sa lassitude, alors, en restreignant ses propres droits.

Le 25 septembre 1977, il se déclare d'accord pour doubler le nombre de signatures nécessaires pour faire aboutir une initiative (100 000 au lieu de 50 000) et un référendum (60 000 au lieu de 30 000). Et, le 4 décembre, il serre encore un peu le frein : les auteurs d'une initiative disposeront, désormais, d'un délai de 18 mois au plus, après quoi, s'ils ne sont pas arrivés au seuil des 100 000, ils devront renoncer.

Notons au passage qu'une importante réforme du Code civil entre en vigueur sans coup férir, parce que, cette fois, les auteurs de l'inévitable référendum se sont démenés dans l'indifférence générale. Dès le 1er janvier 1978, le droit de filiation a changé. Il n'y a plus de différence juridique entre l'enfant légitime et l'enfant illégitime. Et l'autorité paternelle est remplacée, dans le code, par l'autorité parentale : égalité des sexes en marche !

TVA

Mais c'est, une fois encore, sur les finances et les impôts que se centre la controverse, interminable, passablement hargneuse. On sait que, le 2 juin 1977, les électeurs avaient, dans une proportion de 6 voix contre 4, refusé l'institution de la TVA (Journal de l'année 1976-1977). C'était appeler l'État central à faire plus d'économies. Mais c'était aussi le condamner à vivre dans le déficit.

Le 7 juillet, déjà, le chef du département fédéral des Finances, Georges-André Chevallaz, présentait un plan pour rétablir l'équilibre : compressions de l'ordre de 800 millions par an, aggravation de divers impôts, report sur les cantons de certaines charges fédérales. Le 4 décembre, le peuple et les cantons disent « oui ». Mais ce ne peut être là qu'une première mesure. Pour 1977, d'ailleurs, la Confédération devra annoncer un déficit d'un milliard et demi.

Le gouvernement s'obstine donc à réclamer la TVA. Simplement, le projet qu'il soumet aux Chambres — et qu'elles approuvent au cours d'une session spéciale — prévoit un taux de 8 % (au lieu de 10 % la dernière fois), tandis que l'impôt fédéral direct, lui, devient, comme l'avoue le grand argentier, « un peu moins social » que dans la version refusée le 12 juin. La question, dès lors, est de savoir si le peuple avalera la pilule, à peine adoucie, qu'il avait rejetée ; ou s'il estime, comme un certain nombre de voix déjà le disent, qu'en remettant la TVA sur le métier Berne se moque de la volonté clairement exprimée par les contribuables.