Souci majeur du Premier ministre : la négociation d'un crédit de 50 millions de dollars avec le FMI, qui exige, en contrepartie, que le gouvernement prenne des mesures d'austérité. Le succès de cette tractation est d'autant plus vital qu'il devrait entraîner un prêt international de 750 millions de dollars. Les querelles politiques ont ajourné la négociation, et l'accord des partis est nécessaire pour la renouer.

Le PSD et le CDS estiment « absolument inacceptables » les conditions imposées par le FMI et accusent le Premier ministre de « se mettre à genoux » devant l'organisation internationale. En revanche, les communistes adoptent une attitude plus souple : ils approuvent certains sacrifices réclamés par le FMI, tout en se montrant plus réservés à propos d'autres mesures. Cette modération place le PC en position de partenaire éventuel. Hostile à toute dichotomie, Mario Soares laisse à l'Assemblée le soin de trancher. Le 7 décembre, jour de son 53e anniversaire, il pose la question de confiance. Par 159 voix contre 102, le gouvernement est renversé. « Le PC a perdu une occasion historique de créer une dynamique de gauche », estime un ancien capitaine devant le vote négatif exprimé par les communistes.

Cette chute, que Mario Soares a voulue dramatique, est cependant perçue avec un certain fatalisme par les Portugais. C'est ainsi que O Jornal estime que « pour la première fois depuis plus d'un demi-siècle, le peuple portugais a vu un gouvernement tomber démocratiquement ».

Économie

Le vide du pouvoir et la relative trêve politique permettent de mieux apprécier l'ampleur des problèmes économiques : avec 32 %, l'inflation bat le record européen ; le déficit de la balance des paiements dépasse 1,5 milliard de dollars ; le chômage touche 16 % de la population ; et l'escudo, dévalué de 22 % en 1977, poursuit son érosion. Dans ces circonstances, les querelles partisanes apparaissent absurdes. Toutefois, les partis refusent à Mario Soares de reconduire son expérience de gouvernement homogène.

L'enlisement de la crise laisse craindre le pire. D'autant plus qu'à ce moment éclate une affaire de corruption où est impliqué un membre éminent du PS, Edmundo Pedro, président du conseil d'administration de la TV portugaise. Enfin, le 27 décembre, Mario Soares est chargé de former le nouveau ministère.

Ce début de dénouement ne fléchit pas les intransigeances. Bien au contraire, les enchères montent. Passant par-dessus le formateur désigné, le PSD demande l'intervention du président de la République qu'il a si souvent vilipendé. Erreur fatale, qui lui coûte sa participation éventuelle dans un nouveau cabinet Soares. En même temps, l'éventail des alliances se resserre pour le leader socialiste, qui, de guerre lasse, se décide, le 26 janvier 1978, à s'allier avec la formation de droite, le CDS. Ce qu'il définit sans rire : « un gouvernement de gauche avec l'accord du centre ».

Les conversations avec le FMI vont pouvoir reprendre. « La politique d'austérité aura un coût social énorme », confie sans illusion le Premier ministre. Le nouveau ministre des Finances, Victor Constancio, décide une hausse des impôts et des tarifs publics, la réduction des investissements et une dévaluation mensuelle de 1,25 % de l'escudo — à la brésilienne. La négociation aboutira finalement le 4 mai.

Agitations

Le marasme économique et social met en relief l'agitation des milieux militaires. À la suite de dissensions dans la hiérarchie, le président Eanes démet de ses fonctions le chef d'état-major de l'armée de terre, le général Rocha Vieira, et invite d'autre part le général Lourenço, gouverneur militaire de Lisbonne, à démissionner. L'amiral rouge, Rosa Coutinho, est réintégré dans ses fonctions. Quant à Otelo de Carvalho, on le voit siéger au tribunal Russel, à Francfort, pour juger des atteintes contre les droits de l'homme... en RFA.

Trois jours avant le 4e anniversaire de la Révolution des œillets, le 22 avril, un millier de capitaines, bravant l'interdiction des autorités, se réunissent pour exprimer leur mécontentement. Et, le 1er mai, une foule considérable vient acclamer sous son balcon l'ancien Premier ministre Vasco Gonçalves qui, sortant de son mutisme, a lancé, quelques jours auparavant, des anathèmes contre la « social-démocratie ».