Journal de l'année Édition 1978 1978Éd. 1978

En face, du côté de la majorité, le ton est beaucoup moins résolu et l'atmosphère est au pessimisme. Maire de Paris depuis les élections de mars 1977, Jacques Chirac ne laisse pas passer une occasion de se poser en s'opposant au Premier ministre, aux autres partis de la majorité, parfois même au président de la République. Le Rassemblement pour la République qu'il préside réussit tant bien que mal à maintenir l'ambiguïté de sa tactique, à apparaître comme une force de proposition, et à l'occasion de contestation, au sein de la majorité.

Lorsque cette dernière se réunit à son tour au sommet le 19 juillet, les divergences, les rivalités et les querelles l'emportent, et de loin, sur les convergences et les points d'entente. Ce sommet n'en est d'ailleurs pas vraiment un puisque le parti radical, dont Jean-Jacques Servan-Schreiber avait repris le 15 mai la présidence après avoir battu Edgar Faure, est exclu de la rencontre.

L'été de la contestation, l'augmentation spectaculaire du chômage, la hausse des prix qui ne cède point, l'inquiétude visible des milieux patronaux et des dirigeants de l'économie, le désarroi des chefs et des partis de la majorité, les sondages qui donnent un à deux points d'avance à l'opposition, le souvenir des municipales qui, tous comptes faits et refaits, lui en accordaient quatre, bref tout semble renforcer une gauche unie et dynamique, tout paraît affaiblir un camp gouvernemental divisé et démoralisé.

Valéry Giscard d'Estaing peut bien charger solennellement Raymond Barre, dans son discours de Carpentras le 8 juillet 1977, de mettre au point un « programme d'action pour la législature », réplique au programme commun ; s'adresser le 18 août dans la Meuse aux agriculteurs, base de l'électorat majoritaire ; annoncer le 23, en visitant le Parc national des Écrins, la création d'un Conseil d'information électronucléaire pour désamorcer les manifestations écologiques, rien n'y fait. Et pas davantage les voyages de R. Barre qui, en six semaines, se rend à Quimper, à Montpellier, à Colmar, à Charleville-Mézières, à Toulouse pour interroger la « France profonde » avant de promettre de relancer l'activité économique, de s'attaquer aux maux dont elle souffre : le chômage, l'inflation, la stagnation.

23 septembre 1977 : rupture au sein de la gauche

La rentrée politique, dès les premiers jours de septembre, est fiévreuse. Le 5, la majorité publie son Manifeste, qui passe presque inaperçu. La gauche reprend ses négociations. On commence à se préoccuper des élections sénatoriales, fixées au 25 septembre : elles n'apporteront guère de bouleversements, confirmant toutefois l'efficacité des accords entre socialistes et communistes et marquant du même coup un certain rajeunissement du Sénat. Accessoirement, cette consultation provoquera un remaniement ministériel, trois des élus — Jean-Pierre Fourcade, Christian Poncelet et Pierre-Christian Taittinger — préférant leur mandat sénatorial à leurs fonctions gouvernementales, que conserve en revanche un quatrième sénateur réélu, René Monory.

Mais les sénatoriales vont être éclipsées par la rupture au sein de la coalition du programme commun. Les difficultés qui se sont élevées entre les communistes et leurs partenaires s'aggravent. Le PC réclame l'inscription dans le programme commun du SMIC à 2 400 F, une liste beaucoup plus longue d'entreprises à nationaliser, comprenant notamment les filiales des neuf sociétés déjà visées, la nationalisation à la carte sur la demande du personnel. Il veut aussi remettre en chantier les chapitres relatifs à l'Europe et à la Défense, il s'insurge contre l'idée d'un référendum nucléaire, il élève des objections nouvelles et formule des exigences inattendues. Les groupes de travail n'avancent pas dans leur tâche. Le 14 septembre, un sommet est convoqué et c'est l'incident : le président des radicaux de gauche, Robert Fabre, claque la porte et s'en va. Le lendemain, il s'affronte durement à la télévision, sur toutes ces divergences et quelques autres, avec Georges Marchais. Le 23 enfin, un nouveau sommet aboutit à la rupture. On se sépare après avoir pris acte des désaccords, chacun rejetant sur l'autre la responsabilité de l'échec.