Dans un premier temps, le gouvernement de Madrid, fermement soutenu par les partis d'opposition, rappelle son ambassadeur à Alger. Alger s'incline et ferme sa radio à Cubillo. Un mystérieux attentat contre le leader canarien, le 5 avril 1978, à Alger, relance l'affaire. Les Algériens se déchaînent contre Madrid. Les invraisemblances, mises en évidence par l'enquête, laissent planer un doute sur la sincérité d'Alger. Quoi qu'il en soit, le 11 mars, un statut de pré-autonomie est accordé aux Canaries, en même temps qu'à l'Aragon et au pays de Valence. Et, le 2 juin, c'est au tour de la Castille et León, de l'Estremadure et des Baléares.

Les manifestations autonomistes ont pris un tour d'autant plus violent qu'elles étaient stimulées par la crise économique et le chômage. Dès le 12 juillet 1977, le gouvernement a dévalué la peseta de 20 %. Cette décision, présentée comme « inévitable » étant donné la disparité entre le rythme accéléré de l'inflation en Espagne et la hausse des prix dans les autres pays, n'était qu'un premier pas. Très insuffisant. La situation réclame des mesures plus profondes.

Union

Le chef du gouvernement va étonner une fois de plus. Le 5 octobre, il lance un appel aux principaux leaders politiques du pays, leur demandant un effort commun pour permettre à l'Espagne de surmonter « les moments difficiles » qu'elle connaît. Il leur propose de se réunir afin d'« élaborer un plan commun pour tenter de résoudre une série de questions fondamentales qui permettront de poursuivre le processus de consolidation de la démocratie ».

Un peut partout l'on doute. On juge le jeune président du Conseil bien naïf d'imaginer possible une union sacrée. Et pourtant le miracle se produit, les partis acceptent. Les communistes, les premiers, montrent leur enthousiasme. Et aussi la droite de Fraga Iribarne, les socialistes de Tierno Galvan. Le seul hésitant est Felipe Gonzalez, le dirigeant du PSOE. Mais, se retrouvant seul, finalement il accepte.

Ainsi, les 8 et 9 octobre, 28 leaders politiques se réunissent au palais de la Moncloa, autour du président du Conseil, pour établir un « pacte de salut public ». Un événement tragique va sceller l'union : l'assassinat du président de l'Assemblée provinciale de Biscaye par un commando de l'ETA. L'indignation est unanime. « Provocation », « coup de poignard contre la jeune démocratie », titrent les quotidiens madrilènes.

Le Grand Pacte, signé le 9, prévoit une augmentation de 3 milliards de F pour la lutte anti-chômage, un blocage des prix et des salaires, une aide substantielle aux petites et moyennes entreprises. En échange, les partis de gauche demandent des réformes législatives, un droit de contrôle et la lutte contre la spéculation urbaine.

Un second round des conversations, consacré à la lutte contre le terrorisme, débouche sur une nouvelle loi d'amnistie générale, que les Cortes adoptent le 14 octobre 1977. Un tribunal de Madrid élargit cette mesure, le 20 janvier, aux personnes accusées d'avoir participé à l'attentat qui avait coûté la vie à l'amiral Carrera Blanco (Journal de l'année 1973-74).

Derrière ce constat de bonheur, causé par la construction harmonieuse de la démocratie, se profile l'inquiétude pour l'avenir. La démonstration d'unité et de solidarité, les incontestables réussites du gouvernement ne parviennent pas à dissimuler la gravité de la situation économique. Le pacte de la Moncloa a été conclu après une trop longue période de négligence, et les sacrifices réclamés à la population, bien qu'avec l'accord des partis, ne correspondent pas à la libération des moeurs. On veut tout et tout de suite.

Économie

Or, la hausse des prix a atteint 26,4 % en 1977, le taux d'inflation le plus élevé jamais enregistré. Le commerce extérieur accuse un déficit de 7 milliards 565 millions de dollars. La récession s'est révélée beaucoup plus sévère que l'on s'y attendait : le produit national brut n'a progressé que de 1,5 %, ce qui ramène la perspective de croissance pour 1978 à un maigre 0,5 %. 12 000 chefs d'entreprises, réunis le 6 février à Madrid, accusent le gouvernement d'avoir trahi le programme électoral du mois de juin et de faire une politique de gauche : « Le gouvernement doit courir le risque de perdre des voix aux Cortes et faire moins de pactes. »