Il prépare la grande réforme des institutions qui doit moderniser les structures politiques du pays et réaliser une régionalisation qu'une grande partie de la population appelle de tous ses voeux depuis près de vingt ans. Il annonce les prémices d'une révision en profondeur de la Sécurité sociale en s'inspirant du plan Califice, du nom du ministre de la Prévoyance sociale. Il cherche à garantir l'avenir économique du pays par la préparation d'une solide infrastructure de l'énergie et par une réorientation de l'activité industrielle.

Rien n'est encore visible de tout cela, mais la grande majorité des Belges pousse un immense soupir de soulagement le 1er juin 1977. L. Tindemans a réussi enfin à former un nouveau gouvernement de coalition sur la base des fameux accords d'Egmont, premier pas vers la régionalisation du pays (Journal de l'année 1976-77).

Obstacles

Cependant, la satisfaction générale a à peine eu le temps de s'exprimer que les ennuis recommencent. À la fin du mois de juin, des mandataires publics (bourgmestres et échevins) de sept communes à majorité flamande de la périphérie de Bruxelles s'opposent « aux facilités linguistiques nouvelles » prévues pour les francophones de leurs communes. Cette protestation trouve peu d'écho dans l'opinion flamande.

Le CVP de Wilfried Martens (sociaux-chrétiens flamands) tient bon, comme la Volksunie de Hugo Schiltz. Ce dernier parti pourtant perd une frange d'irréductibles au profit de deux groupes nouveaux : le Vlaamse Volks-partij (Parti populaire flamand), fondé par Lode Claes, ancien sénateur de la Volksunie (VU), et le Vlaamse nationale partij (Parti national flamand), mis sur pied par Karel Dillen, ancien président d'un groupuscule ultra-flamingant.

Ces deux partis entendent regrouper tous les flamingants décus par la Volksunie signataire des accords d'Egmont et par sa participation au gouvernement.

Mais la grande masse des Flamands reste indifférente aux appels de mobilisation contre les accords signés. Moins de 7 000 personnes participent à la manifestation organisée en octobre 1977 à Dilbeek, l'une des communes de la périphérie bruxelloise où se pose un problème de cohabitation entre francophones et néerlandophones. Quelques dizaines de manifestants seulement participent à la marche organisée dans les Fourons, région rattachée à la Flandre en 1963.

Le large consensus sur les accords d'Egmont n'empêche pas la multiplication de menus incidents, qui donnent lieu à des réactions et des déclarations démesurées, témoignant de la susceptibilité linguistique à fleur de peau.

Ces différends, qu'il serait fastidieux d'énumérer, sont significatifs de la tension qui continue d'exister entre les deux communautés, mais ils révèlent en même temps un comportement nettement positif : de part et d'autre, en effet, on ne combat pas les accords passés, on exige le respect des engagements pris !

Lacunes

Toutefois, les deux parties signataires donnent à quelques-uns des points des interprétations divergentes. Jacques Hoyaux, secrétaire d'État francophone à la Réforme des institutions, et Ferdinand De Bondt, son homologue flamand, chargés de rédiger les textes d'application du pacte d'Egmont constatent certaines lacunes et interprètent différemment certaines dispositions.

Ainsi, F. De Bondt (CVP) apprécie d'une manière nettement restrictive une clause relative au droit qu'auront les francophones d'habiter une commune flamande tout en étant inscrits, pour user de certains droits, dans une commune francophone de Bruxelles.

Cette interprétation restrictive provoque un tel émoi politique que le gouvernement s'empresse de réunir une commission, le comité des 22, pour aider les deux secrétaires d'État à transcrire le pacte communautaire en projets de lois.

Dans ce comité des 22 se retrouvent tous les négociateurs des accords d'Egmont. Les partis dont ils sont les élus représentent 80 % du corps électoral. Ce comité des 22 devient un comité des 15, qui, réuni au château de Stuyvenberg, achève l'œuvre commencée au château d'Egmont. Les Belges ne sont pas pour autant au bout de leurs peines.