Mais Sadate, croyant inspiré, visite ensuite la mosquée d'Omar toute proche, et le roc d'Abraham revendiqué, à la fois, par chrétiens, juifs et musulmans. Étape suivante du circuit œcuménique, le Saint-Sépulcre, gardé depuis huit siècles par un porte-clefs musulman et cogéré par catholiques, orthodoxes et coptes. Enfin, le mémorial Yad Vachem, en souvenir des millions de Juifs massacrés par les nazis. À la demande de ses hôtes, le rais a accepté d'aller s'y incliner. Sur le livre d'or, il inscrit : « Que Dieu guide nos pas vers la paix. Mettons fin aux souffrances des nations. » Souvent invoqué, Dieu semble être l'organisateur de ce vaste psychodrame entre deux nations. Begin lui-même prie beaucoup et se considère volontiers comme l'« instrument de l'Éternel ».

Discours

L'après-midi, à la Knesset, les sourires se figent lorsque les discours des deux hommes d'État esquissent des revendications : restitution des territoires occupés, dont Jérusalem devenant ville ouverte, reconnaissance du droit du peuple palestinien à un État, etc. Sans avoir rien obtenu encore, Sadate confirme la première concession majeure que signifie sa présence à Jérusalem : la reconnaissance, attendue depuis trente ans, de l'existence d'Israël (« [...] je vous le dis en toute sincérité : nous vous accueillerons avec plaisir parmi nous, en sûreté et en sécurité [...] je déclare au monde entier que nous sommes d'accord pour vivre avec vous une paix permanente et juste ». Rien d'équivalent dans la réponse de Menahem Begin, qui semble revendiquer plutôt qu'offrir l'ouverture des frontières et l'échange d'ambassadeurs. Suit une longue poignée de mains entre les deux orateurs, mais la cordialité ne reviendra vraiment, à la Knesset, que le lendemain, devant les caméras de télévision en direct, dans les contacts avec les hommes politiques et lors de la remise des cadeaux. Notamment celui, joliment empaqueté, de la grand-mère Golda Meir au grand-père Anouar el-Sadate qui venait d'apprendre la naissance d'une petite-fille.

Cordialité encore, malgré l'absence de résultats précis, au cours de la conférence de presse commune. Avec, même, rires et applaudissements lorsqu'à une question double (« Êtes-vous tous deux convaincus de la sincérité de votre désir de paix ? Quand se réunira la conférence de Genève ? ») Menahem Begin répond, mot pour mot, ce que vient de répondre son hôte : « À la première question, je réponds : oui. À la seconde : nous travaillerons pour que la conférence se réunisse dans un très proche avenir. » Alors que chacun commence à comprendre, au contraire, que l'engrenage mis en branle reporte Genève à plus tard. « Je suis optimiste », conclut Sadate. « Il revient les mains vides », répliquent les frustrés, Arabes ou Soviétiques. Les journalistes lui ont fait remarquer qu'il n'a même pas invité au Caire « son ami Begin » (l'expression est de lui). On apprendra bientôt pourquoi cette visite rendue est reportée à plus tard.

En attendant, Sadate marque un nouveau point : son retour triomphal au Caire où, debout dans sa voiture décapotable qui fend une marée d'acclamations, il affronte encore, courageusement, les risques d'un attentat. Dès le samedi suivant, 26 novembre, il lance devant le Parlement égyptien son deuxième coup de poker : une conférence au Caire pour préparer la reprise des pourparlers de Genève.

Le plan Sadate

Voici, tels que le président Sadate les a exposés devant la Knesset le 20 novembre 1977, les 5 points sur lesquels devrait être fondé un « accord de paix » signé à Genève :
– Fin de l'occupation par Israël des terres arabes saisies en 1967 (Jérusalem devenant « ville libre, ouverte à tous »).
– Autodétermination du peuple palestinien, qui a droit à l'établissement de son propre État.
– Droit pour tous les pays de la région de vivre en paix à l'intérieur de frontières sûres et garanties.
– Engagement pour tous de respecter la charte des Nations unies, avec non-recours à la force et règlement des conflits par des moyens pacifiques.
– Fin de l'état de belligérance dans la région.