En mars, le chef de l'État admet l'existence d'un vent de fronde. Il annonce l'arrestation de 67 officiers et de 24 civils pour complot. Traduits devant un tribunal militaire, 14 des 91 accusés sont condamnés à mort ; seule une femme sera graciée, ses 13 compagnons sont fusillés le 17 mars.

Ces tensions politiques s'accompagnent d'une grave crise économique et financière. La chute des cours du cuivre, principale ressource d'exportation, affecte durement l'économie zaïroise. L'inflation galopante diminue le pouvoir d'achat des travailleurs. La dévaluation du zaïre accentue les difficultés d'un pays qui est privé de ses voies traditionnelles d'accès à la mer, depuis qu'il ne peut plus évacuer son cuivre ni par l'Angola ni par la Rhodésie. Lorsque les rebelles envahissent le territoire zaïrois, le gouvernement de Kinshasa multiplie les efforts pour trouver à l'étranger des concours qui lui permettraient de financer le plan Mobutu, destiné à relancer l'économie.

Invasion

L'armée zaïroise est d'abord seule à faire face aux colonnes rebelles. Acheminés par des avions C 130 de l'armée de l'air zaïroise, des parachutistes s'efforcent de reprendre Kolwezi, où le sort de la communauté européenne est alarmant. Le 18 mai, des appareils décollent de Bruxelles avec des parachutistes belges à leur bord, de Calvi avec des parachutistes français. Ces derniers sont largués sur Kolwezi, ce qui marque le début de l'opération léopard, dans laquelle seront engagés 1 750 soldats belges et 900 soldats français au total. Les troupes belges quitteront rapidement le Zaïre, tandis que les paras français ne seront rapatriés qu'à partir du 7 juin après avoir été relevés par des contingents marocains et zaïrois.

Justifiée par des considérations humanitaires et destinée à permettre l'évacuation d'une partie de la population européenne, l'opération léopard aura en partie échoué, car la poursuite des combats a rendu difficile la tâche des sauveteurs. Plusieurs dizaines d'otages européens et plusieurs centaines d'Africains seront d'ailleurs massacrés sur place par les rebelles — et par certains pillards zaïrois —, tandis que d'autres Européens enlevés comme otages seront liquidés plus tard, en représailles contre l'intervention franco-belge.

Cette intervention aura mis en relief les divergences de vues entre la France et la Belgique, et surtout les divisions entre les États africains sur l'attitude à adopter dans des circonstances semblables.

Tandis que les États-Unis fournissent une aide logistique à la France et à la Belgique — dix avions américains transporteront des parachutistes français de Calvi à Kinshasa et plus de 2 000 Européens seront évacués par le pont aérien —, l'Union soviétique condamne vigoureusement la France et la Belgique.

À Bruxelles, le gouvernement belge affirme ne pas avoir été consulté au préalable par ses partenaires français. Tandis que Louis de Guiringaud proclame qu'il y a accord entre la France et la Belgique, son collègue Henri Simonet prétend le contraire. Très vite, il apparaît que l'unité de conception fait défaut à Bruxelles comme à Paris, où les ministères concernés nourrissent des arrière-pensées différentes.

De vieilles amertumes se réveillent et le ton monte entre les deux capitales. Parallèlement, les rapports belgo-zaïrois se détériorent. Le général Mobutu reproche à ses interlocuteurs belges leurs réticences à intervenir et leur complaisance à l'égard des opposants zaïrois résidant à Bruxelles. H. Simonet, ministre belge des Affaires étrangères, ayant fait l'objet de graves accusations de la part du Zaïre, L. Tindemans, Premier ministre belge, vient à Paris rencontrer le général Mobutu pour éviter une rupture brutale avec Kinshasa.

Concertation

Les dirigeants des États africains sont divisés. L'Algérie prend immédiatement la tête des adversaires de l'intervention française, faisant une véritable campagne contre la présence des parachutistes du 2e REP au Zaïre. La cinquième Conférence franco-africaine, qui tient ses assises à Paris et à Versailles (22 et 23 mai), est l'occasion de constater que parmi les représentants des 21 pays participants se manifestent plus que des nuances. Tandis que les présidents Houphouët-Boigny, de Côte-d'Ivoire, Senghor, du Sénégal, et Bongo, du Gabon, se prononcent pour la création d'une force commune africaine d'intervention et la mise au point d'un pacte de défense commune, la plupart des autres participants hésitent et quelques-uns même manifestent leur opposition ; les présidents Traore, du Mali, et Kountche, du Niger, notamment. Bien que n'ayant pas été convié à ces assises, le Maroc est le premier à témoigner sa solidarité au Zaïre, en promettant l'envoi de troupes au Shaba.