Journal de l'année Édition 1977 1977Éd. 1977

Des institutions adaptées ? Il s'agit bien sûr, d'abord, du Parlement de la CEE. Les conseils européens tiennent aussi une bonne place dans ce paysage institutionnel. C'est au Conseil européen de Rome de décembre 1975 que le principe de l'élection directe a été adopté ; au Conseil de Bruxelles de juillet 1976 que les Neuf ont fixé à 410 le nombre de futurs députés, et c'est de ces travaux qu'est né l'acte du 20 septembre 1976 mettant en œuvre l'article 138 du traité de Rome qui prévoit cette élection. Pourtant tous les conseils européens, il s'en faut, n'ont pas été très productifs. Pour éviter que ce rouage ne vienne à se rouiller, V. Giscard d'Estaing suggère, dans une lettre adressée à ses partenaires, d'en améliorer le fonctionnement. Il s'agit de bien distinguer les échanges de vues qui s'y déroulent à huis clos, les déclarations soigneusement pesées qui exposent la position des Neuf urbi et orbi et, enfin, les décisions sur des dossiers en suspens. En quelque sorte, le Conseil européen est l'embryon d'un gouvernement de la CEE.

Sans doute, des institutions adaptées ne suffisent-elles pas à l'Europe. Il lui faut aussi, comme le dit V. Giscard d'Estaing à Strasbourg, « un levier idéologique ». L'avenir de la Communauté européenne reste ainsi incertain et la perspective de l'entrée de nouveaux membres dans la Communauté ne fait encore qu'accroître toutes ces incertitudes.

Prudence

La Grèce, à l'initiative de Constantin Caramanlis, dès 1975, et le Portugal, à l'initiative de Mario Soares, veulent se mettre rapidement à l'heure européenne. Ils souhaitent devenir membres à part entière de la Communauté. Une réponse positive a été adressée à la Grèce. Pour convaincre les Neuf, Mario Soares a fait le tour des capitales européennes. Déjà, une autre candidature se dessine : celle de l'Espagne. Demain, les Neuf pourraient-ils exclure, a priori, celle de la Turquie ? Jusqu'où aller dans cette politique de la porte ouverte ?

La Communauté n'a pas encore digéré son extension de Six à Neuf. Alors la CEE peut-elle sans risque procéder à un nouvel élargissement ? L'impatience grecque et portugaise a contraint les Neuf à procéder à une réflexion d'ensemble, avant d'aborder cette nouvelle étape. Leurs conclusions, suite aux travaux de Leeds-Castle (G-B) fin mai 1977, traduisent une grande prudence. Les considérables différences de développement entre les économies des Neuf risquent de s'accentuer avec l'arrivée de nouveaux membres. En outre, les productions agricoles des pays méditerranéens vont entrer en concurrence directe avec les productions fruitières et légumières de plusieurs pays membres. L'aide-mémoire français (rapport Dessouches) recommande la précaution, faute de quoi l'élargissement aboutirait à une véritable catastrophe pour les producteurs méridionaux. Il faudrait, en outre, concevoir un réaménagement des institutions, pour qu'elles puissent continuer de fonctionner avec 12 ou 13 membres. Comment, par exemple, maintenir la règle des décisions à l'unanimité au sein du Conseil des ministres ?

Au total, la Communauté européenne hésite à s'élargir et à se diversifier davantage, alors qu'elle cherche un nouveau moteur à son développement. Le recours au suffrage universel dans l'élection du Parlement européen apparaît, ainsi, comme une sorte d'appel au peuple pour redonner vigueur à une unification qui s'essouffle.

La mer « communautaire »

Les ressources des mers en poissons jadis considérées comme inépuisables s'amenuisent, à mesure que les méthodes de pêche intensive se développent. Pour sauvegarder leurs intérêts, les pays côtiers étendent les zones littorales sur lesquelles ils exercent leur souveraineté économique. Un consensus est apparu, jusque dans les enceintes des Nations unies, pour admettre l'extension à 200 milles (360 km) de cette zone de souveraineté (elle était de 12 milles). Les Neuf ont décidé de se doter collectivement d'une zone de 200 milles à partir du 1er janvier 1977, créant ainsi une « mer communautaire » réservée à leurs ressortissants.