Régions

Comment la France entre dans l'ère postindustrielle

C'est en 1969 que fut effectué, à la demande de la Délégation à l'aménagement du territoire (Datar), « un scénario tendanciel de la France en l'an 2000 », plus connu sous le nom de Scénario de l'inacceptable (Journal de l'année 1973-74).

Réalisé par les experts de l'OTAM (Omnium Technique d'Aménagement), ce document donnait une sombre image du futur prévisible, avec les tendances marquées à l'inflation structurelle, au chômage, à la concentration urbaine et à l'inégale croissance régionale.

Sept ans plus tard, quand les premiers résultats du recensement de 1975 furent connus, il apparut aux responsables de la Datar « que la répartition des populations entre les régions et entre les villes de différentes tailles ne correspondait pas totalement au résultat du jeu des tendances retenues dans le Scénario de l'inacceptable ».

D'où la tentative effectuée en décembre 1976, sous la forme d'un volumineux document, de comparer, de façon aussi précise que possible, les prévisions de 1969 et les réalités de 1976. Il est intéressant d'en résumer les principaux éléments, notamment l'évolution de la société et la répartition des hommes et des activités au sein de l'Hexagone.

Grandes villes

Le report de population des centres a accentué (comme prévu) les « disfonctionnements » : manque d'équipements collectifs, difficultés de transports, accroissement des migrations alternantes.

La concentration urbaine se poursuit sur les grandes villes et leur périphérie, même si elle se réduit. Ainsi, la Région parisienne est passée de 2 % de croissance par an avant 1968 à 0,9 % entre 1968 et 1975. Bien que, en 1975, 22 600 Parisiens soient partis en province, la Région parisienne voit sa population croître de 70 000 personnes chaque année, soit l'équivalent d'une ville moyenne. Dès lors, « bien qu'on enregistre un ralentissement sensible de la croissance urbaine dans les unités urbaines de plus de 50 000 habitants, quelle que soit la région, on ne peut encore affirmer qu'il s'agit d'un renversement de tendance ». En clair, la logique d'organisation prévue dans le scénario paraît, sur ce plan, « devoir s'inscrire dans l'espace ».

Social

La grande hypothèse économique de départ reposait sur un scénario de croissance : « le plein-emploi était un objectif atteint en tendance générale ». Or, constate le nouveau document de la Datar, « le problème du chômage est le problème no 1 en 1975... Générateur de tensions profondes, il est général et touche même les cadres ».

L'augmentation de la qualification ne s'est pas non plus vérifiée. « En réalité, il y a eu déqualification. Et, si le système de formation a produit un nombre de diplômés en augmentation rapide, ils ont eu énormément de mal à trouver un emploi. De même, le système de recyclage-formation permanente ne visait pas à répondre au besoin de qualification supérieure, mais à réduire le chômage. Son efficacité n'est pas la même, le contexte dans lequel il intervient non plus, et sa fonction régulatrice est très faible ».

Le bilan spatial de la France 1975-1976 enregistre, bien sûr, de façon frappante ces coups brutaux donnés à la ligne de croissance prévue six ou sept ans plus tôt.

Ainsi, les disparités régionales en matière d'emploi constituaient l'un des principaux facteurs de déséquilibre relevés. Or l'observation des cartes (variation de l'emploi par région) montre que certaines régions ont connu un bilan de créations d'emplois nettement plus favorable que prévu. C'est notamment le cas des régions de l'Ouest et du Nord. En revanche, la situation s'est détériorée dans l'Est (Lorraine et Franche-Comté) et en Languedoc-Roussillon.

Commentaire des experts : « De ces résultats, il ressort que la politique d'aménagement du territoire a atténué certains déséquilibres en matière d'emploi : c'est au niveau des régions les plus fortement aidées que l'on mesure les écarts positifs les plus importants. À l'opposé, quelques régions ont connu une mutation industrielle défavorable plus forte que prévu ou qui n'était pas décelable il y a huit ans. »