Le premier tour de scrutin, le 13 mars, voit la gauche rassembler à Paris 32,09 % des suffrages (contre 28,57 % en 1971), tandis que le duel Chirac-d'Ornano tourne à l'avantage du premier, qui recueille 26,23 % des voix contre 22,02 % à son concurrent. Les écologistes « font la percée » avec 10,13 %, mais non les jobertistes (2,29 %) ni l'extrême gauche.

Le dimanche 20 mars, au second tour, la majorité, cette fois unie, enlève au total 69 des 109 sièges au nouveau conseil de Paris, dont 15 pour les listes patronnées par M. d'Ornano et 50 pour J. Chirac (plus 4 candidats d'union élus au premier tour). M. d'Ornano lui-même est battu, et le progrès de la gauche en voix et en sièges se confirme. L'ancien Premier ministre devient, le 25 mars, maire de Paris, un titre lourd d'une charge symbolique face au pouvoir central.

La victoire de la gauche et le remaniement

Dans le reste de la France, cependant, la campagne a paru quelque peu éclipsée par le fracas de la bataille de Paris. La gauche a réussi dans presque toutes les villes de plus de 30 000 habitants, à de rares exceptions près dont celle de Marseille, à constituer des listes uniques. Comme à Paris, la majorité se présente le plus souvent en ordre dispersé. Au premier tour, l'opposition enlève 32 villes de plus de 30 000 habitants, dont 23 vont au parti socialiste et 9 au parti communiste ; la majorité, en revanche, ne peut se prévaloir que de 3 succès. Partout la dynamique unitaire de la gauche a correctement joué. Parfois, les candidats écologistes ont empêché des réélections qui paraissaient assurées.

Au second tour, la victoire de la gauche s'amplifie. Dans les villes de plus de 30 000 habitants, 72 municipalités sont désormais à dominante communiste, 81 à dominante socialiste (au lieu de 50 et 46 respectivement).

Les relations entre le président de la République et le Premier ministre, d'une part, Jacques Chirac, d'autre part, se sont considérablement aigries. Le 17 janvier, pour faire pièce au président du RPR, V. Giscard d'Estaing avait annoncé dans une conférence de presse qu'il avait « chargé R. Barre de prendre la tête de la campagne nationale » pour les élections de 1978. En même temps, il avait paru s'accommoder de la division de la majorité en soulignant les vertus du « pluralisme », tout en souhaitant que la majorité « s'organise et s'entende ». À plusieurs reprises, V. Giscard d'Estaing avait paru admonester J. Chirac, qui cependant déclarait qu'il ne se jugeait « pas du tout concerné ». Après l'échec des municipales, de nombreuses voix s'élevaient dans la majorité pour presser le chef de l'État d'agir, de reprendre la situation en main.

Valéry Giscard d'Estaing choisit alors sa stratégie : il décide de maintenir R. Barre à la direction du gouvernement, de procéder à un remaniement, d'imposer le Premier ministre comme chef de la majorité, de poursuivre l'exécution de son plan de lutte contre le chômage et l'inflation, enfin de pratiquer devant l'opinion une politique de présence.

La composition du second gouvernement Barre ne comporte guère qu'un changement significatif : le départ des trois ministres d'État. Olivier Guichard (RPR), Jean Lecanuet (CDS) et Michel Poniatowski (PR). Le premier est remplacé à la Justice par un revenant, gaulliste comme lui, Alain Peyrefitte ; et c'est un giscardien de longue date, Christian Bonnet, qui succède comme ministre de l'Intérieur au plus proche et fidèle collaborateur du président de la République, son ami Michel Poniatowski. Les relations avec le RPR vont-elles se détendre ? Il n'en est rien, bien au contraire. Les mois d'avril, mai et la plus grande partie du mois de juin sont au contraire marqués par une sorte de crescendo dans la tension qui oppose l'Hôtel de Ville de Paris à l'Élysée et le RPR au gouvernement.

Un nouveau « plan d'action gouvernemental » de douze mois comportant un « pacte national pour l'emploi » est rendu public le 19 avril et adopté par l'Assemblée le 28, sans enthousiasme. Mal accueilli par les syndicats du secteur nationalisé, puis par l'ensemble du mouvement social, ce plan Barre-bis, comme on l'appelle, est salué d'une série de grèves, qui s'étendent le 24 mai à une journée nationale à laquelle participent, pour la première fois depuis longtemps, l'ensemble des organisations ouvrières et de fonctionnaires ainsi que les cadres.

Le mouvement écologique

La multiplication des associations de défense de l'environnement est un phénomène très caractéristique de la vie sociale en France depuis les années 60. Actuellement, il en existe plusieurs milliers et il en naît chaque jour de nouvelles. On a d'abord vu apparaître, il y a une quinzaine d'années, des associations locales qui se donnaient pour mission de protéger la nature dans une région en voie d'urbanisation ou d'industrialisation. Depuis 1968, la Fédération française des sociétés de protection de la nature regroupe ces associations ; elle se veut rigoureusement apolitique. Après les événements de mai 1968, se développent des groupes qui lient la défense de l'environnement à la critique du système économique et social. Créée en 1971, l'association Les amis de la Terre est la plus représentative de ce courant ; elle soutient, comme le Mouvement écologique, né à cette occasion, la campagne de René Dumont aux élections présidentielles de 1974. En réaction à cette conception politique, des personnalités comme Ph. Saint-Marc créent l'association de la Charte de la nature. Selon les régions, les deux grands courants présentent des listes écologiques lors des municipales de mars 1977. Dans la capitale, les listes Paris-Écologie comprenaient des tenants des deux tendances.

Les querelles de la majorité

Le président de la République peut bien multiplier les interventions publiques, s'exprimer très fréquemment à la télévision, lancer des appels pressants à l'union de la majorité, rien n'y fait : le désaccord entre lui et Jacques Chirac se confirme et s'aggrave. Le Premier ministre peut bien se dépenser au Palais-Bourbon, exposer inlassablement sa politique et ses objectifs, plaider l'austérité et l'effort, il se heurte à la grogne, à l'irritation, bientôt à la colère des gaullistes. Et, dans le même temps, l'autorité de F. Mitterrand, le dynamisme de l'opposition de gauche, son optimisme aussi, s'accroissent et s'aiguisent.