Budget

Tour de vis fiscal et coup de frein sur les équipements

Pour l'économie française, 1976 a été l'année du coup d'arrêt du plan Barre, et 1977 celle du redressement. Le budget a été l'outil privilégié de la manœuvre gouvernementale. Le Premier ministre, ministre de l'Économie et des Finances, a également eu recours au crédit, à l'action directe sur les prix et les revenus ; mais, plus qu'un autre instrument, le budget a subi le renversement de la vapeur qui a caractérisé le passage de la gestion de Jacques Chirac à celle de Raymond Barre.

Déficit

1975 avait vu se succéder plusieurs opérations de soutien et enfin le plan de relance de septembre. L'accroissement des dépenses qui en résultait, s'ajoutant à la baisse des recettes dues à la récession, avait propulsé le déficit budgétaire à 38 milliards de francs (un record, après un excédent de 6 milliards en 1974), et les deux tiers avaient été financés par de la création monétaire. À partir de là, l'équilibre ne pouvait être rétabli du jour au lendemain. Pourtant, la loi de finances initiale pour 1976 avait été présentée et votée en équilibre. La reprise escomptée permettait de gonfler les recettes, tandis que les dépenses étaient minimisées. Rapidement, la fiction s'effaçait. Dès le printemps, la reprise s'essoufflait et, à l'automne, il devenait évident qu'elle avait avorté, réduisant les espoirs de plus-values fiscales. Plus encore, la lancée dépensière de 1975 n'avait pu être stoppée.

Il fallut donc mettre l'exécution budgétaire en conformité avec la réalité. Une première loi de finances rectificative intervenait en avril 1976 (votée en juin), une deuxième en septembre (votée en octobre) et une troisième en décembre. Cette dernière transformait l'excédent symbolique initial de 700 millions de francs en un déficit de 7,9 milliards... mais le déficit réel aura encore été supérieur : 17 milliards.

Prenant en compte des dépenses supplémentaires, les lois de finances rectificatives ont aussi intégré une accentuation de l'effort fiscal. À cet égard, le changement de cap date de la deuxième loi rectificative, associée le 22 septembre 1976 à la présentation du projet de budget pour 1977 et au dispositif d'ensemble dit « programme de lutte contre l'inflation », c'est-à-dire au plan Barre.

Austérité

En août 1976, le président de la République, en voyage au Gabon, affirmait : « La situation des finances publiques de la France est la meilleure d'Europe. » Mais cela ne suffisait pas à enrayer la baisse du franc, et l'appel à Raymond Barre, le Joffre du redressement, s'est imposé. Son plan s'est traduit par un tour de vis fiscal, dès 1976.

Cet effort était d'autant plus indispensable que les charges publiques s'étaient accrues au fil des événements : sécheresse, qui contraignait à venir en aide aux agriculteurs, mais aussi sinistre de la Guadeloupe, déséquilibre de la Sécurité sociale (que R. Barre dit avoir trouvé « en état de cessation de paiements »), insuffisance généralisée des crédits de paiement, etc.

Les moyens de financement supplémentaires dégagés à l'automne 1976 sont provenus de différentes sources. D'abord des plus-values sécrétées par la reprise brillante dans la première partie de l'année. Ensuite, des majorations fiscales suivantes : majoration exceptionnelle de l'impôt sur le revenu de 4 % pour les contribuables dont le versement de 1975 était compris entre 4 500 F et 20 000 F, et de 8 % au-delà ; majoration de 4 % de l'impôt sur les sociétés ; contribution de solidarité à la charge des gros agriculteurs ; augmentation de la vignette automobile, surtout pour les fortes cylindrées ; relèvement de la taxe sur l'essence et les produits pétroliers (effectué en novembre). Toutes ces mesures ont rapproché l'exécution du budget de l'équilibre en fin d'année, sans empêcher un déficit global de 15 à 20 milliards de francs sur l'année.

En 1977, l'inertie budgétaire doit encore entraîner un déficit d'une dizaine de milliards, malgré une présentation en équilibre dans le cadre du plan Barre (qui n'a pas innové à cet égard) et une exécution stricte, où la nouvelle politique de rigueur a cette fois tranché avec le passé : elle impliquait un double effort : « modérer la dépense publique et consentir l'effort fiscal nécessaire ».