Plusieurs raisons expliquent cet échec :
– on a laissé se développer les formations privées pour certaines professions (notamment dans le secteur social) et renoncé à créer les IUT correspondants ;
– les sections de techniciens supérieurs des lycées, moins coûteuses et plus faciles à mettre en œuvre, font de plus en plus concurrence aux IUT, en raison du manque de coordination entre les deux types d'enseignement, qui n'a fait que s'accroître depuis la coupure entre le ministère de l'Éducation et le secrétariat d'État aux Universités ;
– l'implantation des établissements a aggravé leurs difficultés. Les IUT ont en effet servi souvent d'argument électoral ou d'élément d'une politique d'aménagement du territoire, sans que l'on tienne suffisamment compte de leurs possibilités de recrutement. Ainsi a-t-on créé des IUT trop proches les uns des autres, comme dans le Nord, ou trop isolés, comme à Égletons (Corrèze), à Rodez (Aveyron) ou à Bourges (Cher).

Convoitises

Les IUT ont été longtemps les enfants gâtés de l'Administration ; ils ont bénéficié de dotations en enseignants plus importantes et de crédits de fonctionnement plus confortables que les autres sections des universités.

Cette richesse relative a suscité les convoitises. D'où la tentation pour un secrétaire d'État en quête de postes d'enseignants d'aller les récupérer dans les IUT. Une enquête et un rapport de la Cour des comptes en 1975-1976 ont mis en évidence certaines irrégularités (dues surtout à des erreurs de l'Administration) dont Alice Saunier-Saïté a su profiter.

Les IUT sont d'autant plus vulnérables que la répartition des enseignants n'y correspond pas à ce qui avait été prévu lors de leur création. Pour donner aux étudiants un meilleur contact avec les réalités du métier, un tiers des enseignements au moins devait être assuré par des professionnels. Or la moyenne en 1975-1976 ne dépasse guère les 12 %. Aux difficultés de recrutement, notamment pour les IUT isolés (les vacations sont assez mal payées), s'ajoute la résistance des enseignants permanents, peu disposés à faire une place à ces étrangers.

Vincennes sur le fil du rasoir

Que va devenir le centre universitaire expérimental de Vincennes (université Paris-VIII) ? Le bail accordé, presque de force, par la Ville de Paris pour les quelques hectares sur lesquels il est construit, expire à l'automne 1978 ; il n'y a aucune chance que la majorité du Conseil de Paris accepte de le renouveler, sinon pour quelques mois.

Ce haut lieu de la modernité, créé par Edgar Faure en 1968 pour être le poisson pilote des nouvelles universités, avec des enseignants modernistes, traitant d'autres thèmes d'une façon différente, est devenu avec le temps une réserve du gauchisme enseignant et étudiant, partout ailleurs en recul.

Marginal

Vincennes a trouvé avec le temps un mode de vie curieux et paradoxal. Le conseil de l'université, élu par une minorité d'étudiants et d'enseignants, est contrebalancé par des commissions de département, des assemblées générales et des mouvements plus ou moins spontanés des différentes catégories de personnel et d'usagers, des étudiants au personnel de nettoyage, en passant par les employés de l'administration, généralement inscrits comme étudiants, eux aussi... Abandonnée à cette démocratie quelque peu anomique par les ministres successifs, l'université, ouverte aux non-bacheliers, vit dans le provisoire. La pédagogie sans examens, sans cours magistraux, où les unités de valeur sont autogérées par les étudiants et enseignants, est menacée.

Le secrétariat d'État aux Universités envisage de transférer l'université à Marne-la-Vallée, dans l'Est parisien, en 1980, et souhaite ramener à 15 000 le nombre des étudiants. Toute tentative de réorganisation de l'établissement est dénoncée comme manifestation d'autoritarisme (le nouveau président de l'université, Pierre Merlin, et le conseil décident, le 18 avril 1977, de fermer le souk constitué par les vendeurs de sandwiches et de colifichets, qui déplorent l'ostracisme dont ils sont victimes). Pierre Merlin, géographe et urbaniste, qui n'est pas hostile au transfert dans une ville nouvelle, doit se montrer très exigeant sur les conditions de cette installation.

Drogue

Mais l'université, dont la renommée est déjà scandaleuse après les grèves et l'affaire des enseignements de sexologie en 1974 (Journal de l'année 1974-75), subit une nouvelle invasion : celle des toxicomanes, qui, en 1977, trouvent refuge dans cet établissement où « il est interdit d'interdire ». Ils y installent une communauté, mais aussi un lieu de commerce de stupéfiants, parfois de drogues dures comme l'héroïne. Après la découverte d'une jeune fille inanimée à la suite d'une overdose, le président et le conseil, le 26 avril, tentent d'expulser les revendeurs. Ils souhaitent que la police interrompe le trafic, mais ne veulent pas qu'elle intervienne sur le campus.