La réforme des programmes heurte les professeurs de l'enseignement secondaire. Pour les traditionalistes, comme le Syndicat national des lycées et collèges (SNALC, affilié à la CGC), elle entraîne une baisse de niveau équivalant à « un véritable suicide culturel collectif ». Mais le Syndicat national des enseignants de second degré (SNES), affilié à la FEN et orienté à gauche, juge les programmes insuffisamment scientifiques. Trop pressé et ne disposant pas de moyens suffisants (l'austérité budgétaire limite les possibilités). René Haby n'a pas prévu de formation des enseignants correspondant à sa réforme, ce qui dresse aussi contre lui les pédagogues.

Mais les raisons d'ordre pédagogique ne sont pas seules. Les professeurs craignent que la réorganisation n'alourdisse les classes. L'effectif normal prévu est de 24 à 30 élèves ; des groupes plus restreints pourront être organisés pour les activités de soutien des élèves faibles, ou d'approfondissement pour les plus forts (à raison d'une heure en mathématiques, en français ou en langue vivante). Les établissements disposeront d'une certaine latitude d'organisation dans la répartition des élèves : les enseignants redoutent que cela ne se fasse à leur détriment, et que l'on en profite pour éliminer les auxiliaires. Un accord intervient le 15 juin entre la FEN et René Haby, qui s'engage à ne pas licencier d'auxiliaires ; à créer pour la rentrée 1977-1978 1 200 postes supplémentaires et à en titulariser 2 200.

Le climat politique n'est pas non plus favorable au ministre : on attend déjà les élections législatives de 1978, et les syndicats, qui espèrent et même attendent une victoire de la gauche, se montrent plus agressifs. Ils veulent à la fois mettre le ministre en difficulté et marquer des points pour l'avenir.

Polémique

Cinq millions de tracts sont distribués par le SNI, le SNES et la Fédération des conseils de parents d'élèves (présidée par Jean Cornée) contre la réforme Haby.

Au début du mois de mai, le ministre reproche à plusieurs reprises aux trois organisations de transmettre leurs tracts par l'intermédiaire des écoliers ; il appelle les chefs d'établissement à plaider pour sa réforme, et, condamnant l'« endoctrinement des jeunes », il annonce un « code de déontologie » des enseignants assorti de sanctions pour les contrevenants. Ces mises en garde sont approuvées par le SNALC, l'Union nationale interuniversitaire (UNI), et la Confédération nationale des groupes autonomes de l'enseignement public (CNGA). La polémique se nourrit de petites phrases ambiguës et de malentendus calculés : André Henry, secrétaire général de la Fédération de l'Éducation nationale (FEN), se demande « comment l'on peut enseigner sans être de gauche » et René Haby lance : « si l'on ne peut pas enseigner l'histoire, la philosophie ou l'économie en faisant abstraction de toute idéologie, autant les supprimer ». Il annonce que les parents pourront changer leurs enfants d'établissement scolaire si l'enseignement leur paraît trop orienté.

La polémique s'apaise pour devenir seulement un des éléments de la controverse permanente entre l'opposition et la majorité. Tout le monde se demande comment la réforme sera appliquée à la rentrée.

Même le Syndicat national des collèges (SNC), petite organisation indépendante de professeurs de collège, se joint aux opposants. Seule la Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public, présidée par le docteur Antoine Lagarde, et forte surtout dans les lycées de second cycle, penche, lors de son congrès annuel (19-21 mai) à Tours, non sans hésitations, pour une approbation de la réforme Haby, dans la mesure où elle est favorable à un tronc commun en sixième, à l'allégement des programmes, à la mise en place d'initiations aux sciences physiques et aux problèmes économiques, à l'éducation manuelle et technique.

Le calendrier scolaire : un débat sans conclusion

Les rythmes scolaires sont dans l'enseignement un véritable serpent de mer. Depuis quelques années, point de saison sans que ne soit présenté un nouveau rapport, qui ne fait le plus souvent que retrouver les conclusions des docteurs Debré et Douady sur la fatigue scolaire (Journal de l'année 1973-74). Les écoliers sont fatigués, les journées de travail sont trop longues, l'année mal organisée, les vacances mal réparties...

Priorités

Le problème va-t-il avancer cette fois ? René Haby, à la différence de ses prédécesseurs, semble vouloir prendre des décisions. Les mesures annoncées en mars 1977 sont modestes, mais fidèles aux priorités définies en 1974, au début du mandat du ministre :
– réduire la durée des cours, qui, à la rentrée prochaine, sera ramenée à cinquante minutes, au lieu de cinquante-cinq ;
– rééquilibrer les trimestres scolaires. Mais toute initiative se heurte aux enseignants qui craignent de voir augmenter leur travail.