Ce comportement, rare chez les primates (sauf peut-être dans l'espèce humaine...), pourrait être une forme extrême de la tendance au succès génétique global, selon la notion élaborée par le biologiste W.D. Hamilton. Selon sa théorie, dite sociobiologique, les actes accomplis par des individus pour assurer leur descendance seraient des comportements inscrits dans leurs gènes. Ainsi s'expliqueraient les conflits entre parents, observés chez les singes, lorsqu'un mâle s'empare d'une guenon déjà mère des œuvres d'un autre mâle, et bien d'autres structures comme les comportements altruistes plus fréquents entre individus apparentés.

Toutes ces recherches renforcent la tentation de rapprocher l'origine des comportements sociaux humains (dont le langage conceptuel) de celle des comportements des autres primates. Si féconde qu'elle soit, cette démarche comparative devra, semble-t-il, trouver sa limite dans l'évidente spécificité des structures sociales humaines et de leur évolution.

Supercheries scientifiques

Les particularités psychologiques individuelles, et notamment le QI (quotient intellectuel), dépendent-elles de l'hérédité biologique ou de l'environnement social ?

Une approche scientifique de ce problème de l'inné et de l'acquis est fournie par l'étude des couples de jumeaux que les circonstances ont séparés dès leur naissance et qui ont été élevés dans des milieux différents. Les recherches les plus connues, dans ce domaine, ont été l'œuvre du spécialiste britannique sir Cyril Burt, qui réunit une impressionnante série de données sur des jumeaux, vrais ou faux (c'est-à-dire nés ou non du même œuf), élevés ensemble ou élevés séparément.

Héréditarisme

Les travaux de Burt et de ses collaborateurs, publiés en grande partie dans le British Journal of Statistical Psychology, renforcent les thèses de l'école dite héréditariste, dont l'un des chefs de file est le psychosociologue américain Jensen. Selon ces chercheurs, le niveau d'intelligence d'un individu est essentiellement d'ordre génétique. Il existe des lignées humaines à QI supérieure la moyenne. Travaillant dans le cadre de la société américaine, Jensen et ses collaborateurs en ont conclu à l'origine raciale de l'infériorité des enfants noirs dans les tests d'intelligence.

En Grande-Bretagne, les travaux de Burt inspirent largement le système d'éducation officiel. Si ce sont les sujets les plus doués qui, dans l'ensemble, acquièrent dans une société les postes de responsabilité, il est normal que les structures pédagogiques favorisent cette élite héréditaire.

Scandale

Il éclate avec les révélations du Sunday Times (octobre 1976). Frappés par l'absence de références précises dans les communications de Burt, des scientifiques ont entrepris un examen critique de ses écrits. Ils ont découvert des invraisemblances dans les données numériques. Des corrélations entre jumeaux, calculées avec trois décimales, restent rigoureusement invariables d'une étude à l'autre, alors que l'échantillonnage allégué va en augmentant. Dans un article de 1943, Burt affecte les parents des enfants de classe sociale élevée d'un QI de 153,2, de 20 points supérieur à la moyenne des étudiants de Cambridge ! Enfin, dans les dernières années de sa vie, physiquement incapable de se déplacer pour tester les jumeaux, Burt attribuait les données qu'il publiait au travail de deux collaboratrices, Miss Howard et Miss Conway. L'enquête a établi qu'elles n'ont jamais existé. Burt fabriquait lui-même ses résultats.

Fraudes

Le fait que des chercheurs trichent pour authentifier une théorie qu'ils croient juste ne suffit pas à prouver qu'elle soit fausse. Il jette cependant une sérieuse suspicion, non seulement sur la théorie en question, mais aussi sur la crédibilité des hommes de science. En 1974, un jeune chercheur new-yorkais, William Summerlin, annonçait qu'il avait trouvé un moyen d'empêcher le rejet des greffes et présentait des souris blanches porteuses de bandes noires greffées. Un peu plus tard, il reconnut qu'il avait simplement peint des bandes noires sur le dos des animaux.