Le phénomène n'est pas propre à la France. Il s'est manifesté aux États-Unis avec près d'une décennie d'avance. De New York à la Californie, les organisations de défense de l'environnement constituent maintenant de puissants groupes de pression, avec lesquels doivent compter les pouvoirs publics et les formations politiques. L'efficacité de l'opposition de ces organisations à l'atterrissage de l'avion supersonique Concorde sur l'aéroport de New York est une preuve de leur pouvoir — même si cette opposition a pu être utilisée par des intérêts économiques peu soucieux d'écologie.

Croissance

Au Japon, haut lieu de ce que l'on a appelé la « croissance sauvage », les défenseurs de l'environnement multiplient les manifestations spectaculaires de contestation. En Suède, l'intégration des thèmes de la défense de l'environnement — en particulier, l'opposition aux centrales nucléaires — dans le programme du parti centriste a joué un rôle notable dans la défaite du gouvernement social-démocrate aux élections de septembre 1976. En Allemagne, les pouvoirs publics sont sur la défensive devant la campagne de plus en plus dure des adversaires du nucléaire. En Belgique, des candidats écologistes jouent également les trouble-fête lors des élections du 17 avril.

Pendant un temps, après 1974, on a cru que la crise économique et le chômage auraient raison de la contestation écologique. L'année écoulée prouve qu'il n'en est rien. L'idée se répand selon laquelle la solution à la crise ne réside pas dans le retour aux taux records de croissance des deux dernières décennies. Une telle politique, estiment ses détracteurs, risquerait de porter atteinte de manière irrémédiable aux lois écologiques qui régissent la nature et auxquelles, à la longue, l'homme ne peut se soustraire. Elle provoquerait de nouveaux gaspillages des ressources naturelles pouvant entraîner l'épuisement de certaines d'entre elles. C'est pourquoi les écologistes se font les avocats d'une « nouvelle croissance ». Il faut, disent-ils, travailler mieux en produisant des choses plus durables et dont l'utilité soit incontestable. Du même coup, on consommera moins, mais on consommera mieux et, surtout, on vivra mieux.

Politique

Aujourd'hui, ces idées sont soutenues à la fois par des contestataires à cheveux plus ou moins longs et par les scientifiques du Club de Rome (Journal de l'année 1971-72). Des sondages prouvent qu'elles pénètrent assez sensiblement parmi les cadres, catégorie sociale qui a particulièrement bénéficié de l'expansion économique des vingt-cinq dernières années, mais qui supporte de plus en plus mal le rythme de vie effréné que cela lui impose et les nuisances qui l'empêchent de jouir pleinement de son niveau de vie. Ce milieu est surreprésenté dans les associations locales qui, sans se référer nécessairement aux grands principes du mouvement écologique, luttent de manière ponctuelle contre la détérioration d'un site par une usine ou une autoroute, la destruction d'un bois pour l'exploitation d'une carrière ou la construction de tours de béton à côté d'une cathédrale.

Les milieux politiques ne peuvent plus ignorer ce phénomène d'opinion. On l'a vu notamment lors de la campagne électorale des municipales, où tous les partis — dans la majorité comme dans l'opposition — ont repris à leur compte les thèses de la défense de l'environnement.

Pour sa part, le président de la République intervient, le 27 février, à la télévision, afin de rappeler son action en faveur de l'environnement. « Il ne faut pas que l'écologie soit manipulée à des fins politiques, a-t-il déclaré à cette occasion, mais l'écologie fait partie de la politique. » Dans le même temps, les services d'information du gouvernement publient une brochure de 68 pages intitulée « Pour un environnement à la française ». On y trouve un bilan des actions entreprises par les pouvoirs publics depuis trois ans et le texte des seize allocutions prononcées par Valéry Giscard d'Estaing depuis le début du septennat.