Au fil des années, le problème de la greffe est devenu uniquement « médical », les techniques chirurgicales étant parvenues à un point de quasi-perfection qu'il paraît difficile de dépasser.

Shumway

La difficulté ne réside plus, depuis longtemps, dans l'acte opératoire. Elle concerne la tolérance, par le sujet receveur, de l'organe greffé, que son organisme, selon les lois naturelles de l'immunité, aspire à rejeter. À cet égard, l'étonnante série de greffes cardiaques présentée à New York par Norman Shumway constitue le plus valable des encouragements pour la poursuite des transplantations.

En août 1976, le chirurgien américain avait effectué 100 greffes cardiaques, 20 de 1968 à 1970 et 80 de 1970 à 1976. À la date du 28 août 1976, 38 de ses patients vivaient avec un greffon fonctionnel, soit 38 % de réussite. (En décembre 1976, le bilan de Shumway était de 109 greffes et 45 transplantés survivants.) Pour l'ensemble de la série, les survies s'établissaient ainsi :
un an : 54 %
deux ans : 44 %
trois ans : 39 %
quatre ans : 39 %.

Mais Shumway notait que, compte tenu des progrès réalisés dans les traitements postopératoires, ces pourcentages tendaient à augmenter. Pour les transplantés de l'année 1974, la survie à un an atteignait 62 % des cas (soit une progression de 8 points) et Shumway prévoyait que, pour ceux de l'année 1975, la survie à un an pourrait atteindre 72 % (soit une progression de 10 points par rapport à l'année précédente).

Amélioration

À quels facteurs le chirurgien de Palo Alto (Californie) attribue-t-il cette amélioration progressive et continue de ses résultats ?
– À une technique objective (par biopsie du myocarde) d'appréciation des crises de rejet chez le greffé ;
– à l'utilisation de globulines anti-lymphocytaires, fabriquées à partir du sérum de lapins immunisés contre les lymphocytes humains, pour lutter contre le rejet ;
– à l'administration systématique de médicaments limitant l'artériosclérose chez le greffé : grâce à ceux-ci, l'incidence de l'artériosclérose chez les transplantés cardiaques, qui était de 83 % en 1973, est tombée à 31 % en 1976.

Au fond, le but poursuivi par Shumway vise à faire coïncider la courbe de survie des greffés cardiaques avec celle des greffés rénaux, porteurs d'un greffon prélevé sur cadavre. Si l'ambition du spécialiste américain se réalise dans les années à venir, la transplantation cardiaque pourra prendre sa « vitesse de croisière », à condition que l'on trouve suffisamment de donneurs pour satisfaire la demande. L'un des arguments majeurs de Shumway est contenu dans cette constatation : « De 1970 à 1976, 40 malades en attente de greffe n'ont pas trouvé de donneurs : 38 d'entre eux sont décédés dans les six mois après leur hospitalisation, alors que 45 des 109 opérés ont survécu deux ans ou plus. »

Donneurs

L'un des problèmes les plus aigus est celui du donneur. Dans tous les pays, les transplanteurs se heurtent souvent à un refus de la famille des sujets en état de mort cérébrale d'autoriser un prélèvement d'organe sur leur parent à sa mort. En France, la loi sur les prélèvements d'organes (Journal officiel du 23 décembre 1976) permet, sinon de supprimer, du moins de tourner la difficulté. Elle pose le principe que, dès sa naissance, tout Français est un donneur d'organes potentiel ; en cas de mort cérébrale, tous ses organes peuvent être prélevés en vue d'une greffe, à moins que, de son vivant, le sujet ait fait connaître son « refus d'un tel prélèvement ». Tel est le principe de la loi. Mais, au printemps 1977, les décrets d'application, notamment celui qui doit fixer les modalités du refus éventuel, n'avaient pas encore été pris.

Immunité

Sur le plan scientifique, le congrès de New York devait confirmer les orientations fondamentales indiquées par les spécialistes de l'immunologie de greffe, tant en ce qui concerne la réponse du receveur que les modalités du rejet.

Après les travaux déjà anciens de F. Biozzi (Institut Pasteur) et ceux plus récents de F. et J. Thomas (Medical College of Virginia), il est possible de prévoir le mode de réponse d'un receveur de greffon. Dès lors, certains tests d'hypersensibilité retardée permettraient de classer les receveurs éventuels en bons et mauvais répondeurs sur le plan de l'immunité cellulaire, en appréciant la fonction de leurs lymphocytes T (en partie responsables du rejet du greffon) avant la transplantation elle-même.