On savait depuis longtemps que la pathologie cardiovasculaire est profondément différente en Europe et en Afrique. Si, en Europe, les maladies valvulaires et coronariennes sont les plus fréquentes, il n'en est pas de même en Afrique, où elles demeurent rares.

En revanche, le Noir africain est très souvent atteint d'insuffisance cardiaque banale, due à une atteinte du myocarde, qui se traduit essentiellement par une dyspnée d'effort et par l'œdème des jambes. Autre différence : en Europe, on observe couramment une transformation fibreuse du péricarde, enveloppe externe du muscle cardiaque, alors que le Noir africain est plus facilement atteint de transformations fibreuses de l'endocarde, paroi interne du cœur. De nombreux facteurs ont été avancés pour expliquer ces différences (environnement, mode de vie, alimentation, etc.), mais ces explications demeurent partielles.

Coagulation

Un autre élément s'ajoute à ce tableau : le sang des Noirs africains coagule moins aisément et surtout moins vite que celui des Européens ; tout se passe comme si cette diminution de la faculté de coagulation s'opposait in vivo à la formation de caillots artériels, ce qui expliquerait la moindre incidence des coronarites en Afrique.

Le protocole de recherches instauré entre le docteur Pisa, chef de la division cardiovasculaire de l'OMS, le professeur Denolin, président de la Société européenne de cardiologie, le professeur Bricaud, de Bordeaux, et le professeur Edmond Bertrand, d'Abidjan, vise à mettre en évidence ce facteur de moindre coagulation. Est-il génétique ? Intervient-il au stade précédant la coagulation elle-même ? Se situe-t-il au niveau des plaquettes ? Ou de la paroi artérielle ? Telles sont les questions auxquelles devra répondre l'enquête médicale africano-européenne. Cette enquête pourrait déboucher sur une meilleure prévention des maladies cardiovasculaires en Afrique et, en Europe, sur une thérapeutique nouvelle.

Cancer : la chimiothérapie promet de devenir l'arme de demain

Le XIIe Congrès international du cancer, prévu pour octobre 1978 à Buenos Aires, apportera peut-être la réponse à une question décisive que peuvent maintenant se poser les spécialistes de la maladie : les traitements chimiques deviendront-ils demain l'arme principale de lutte contre certains cancers, au-delà de la chirurgie et des rayons ? Si la réponse se révèle positive, on aura assisté au plus grand tournant de la thérapeutique anticancéreuse du dernier quart du XXe siècle.

C'est au cours de l'année 1977 qu'on a commencé à publier deux sortes d'études fondamentales : les unes portent sur le cancer du sein, les autres sur les cancers osseux.

Les premières se situent sur deux plans, le traitement et la prévention. L'un et l'autre sont également importants dans la mesure où, de loin, le cancer du sein est le plus fréquent chez la femme (25 % des cancers féminins).

Guérir

C'est à G. Fischer (USA) et à G. Bonadonna, de Milan, qu'est revenu le mérite de relancer, de façon saisissante, la question de la chimiothérapie adjuvante dans le cancer du sein, après exérèse de la tumeur initiale. Ces deux auteurs ont apporté la preuve qu'une association médicamenteuse améliore le pronostic vital des cancers mammaires, même en présence de métastases étendues aux ganglions de l'aisselle, l'ablation ayant été pratiquée dans les conditions habituelles.

Les chiffres de Bonadonna sont particulièrement démonstratifs : avec un peu plus de deux ans de recul, 75 % des malades traitées par la seule exérèse du sein avaient récidivé, ce pourcentage tombant à moins de 20 % chez celles qui avaient reçu des médications chimiques multiples.

Mais ces premiers succès, très encourageants, s'assortissent d'une réserve chronologique, d'usage en cancérologie ; les résultats passeront-ils victorieusement l'épreuve du temps ? Après cinq ans, cette guérison par absence de récidive se maintiendra-t-elle ?

Des cancérologues aussi prudents et avisés que Georges Mathé et Claude Jasmin résument ainsi le débat : « Ces très remarquables résultats à deux ans tiendront-ils ? Cela n'est pas certain : dans un essai portant sur la chimiothérapie postradiothérapique de la maladie de Hodgkin (sorte de cancer du système lymphatique), nous avions observé une élévation du pourcentage des maladies en rémission à deux ans, puis une chute de ce pourcentage à l'arrêt de la chimiothérapie... L'avenir dira, avec l'analyse des résultats en cours, la direction à suivre en matière de cancer du sein. »