Le gouvernement intervient en médiateur. À la veille de la visite à Rome du vice-président américain Walter Mondale, syndicats et patronat signent, le 24 janvier, un accord qui porte sur d'autres facteurs que les salaires. Le gouvernement décide de mettre à la charge de l'État une part des contributions patronales à la sécurité sociale, pour un montant de 1 400 milliards. Mais ce n'est que dans la nuit du 29 au 30 mars que la question se trouve enfin réglée, au cours d'une négociation unique en son genre : ministres et syndicalistes discutent à Rome en liaison téléphonique avec le ministre des Finances Gaetano Stammati qui s'est rendu à Washington au siège du FMI...

Économie

Pourtant, à travers tant d'embarras et de confusion, l'action gouvernementale s'avère efficace sur le plan économique. Le bilan de 1976 fait apparaître une croissance inattendue de 5,6 % du produit national brut, et une inflation de 17 %, qui est inférieure aux prévisions. Pour 1977, la menace d'une inflation de 20 % et d'une croissance zéro, selon les prévisions des experts internationaux, paraît écartée.

Mais, si l'économie donne des signes de santé, la société italienne donne, elle, des signes de crise profonde, au point de faire craindre un processus de désagrégation.

Un malaise se manifeste dans le monde du travail dès l'annonce des premières mesures d'austérité. Des grèves sauvages éclatent en octobre 1976 dans le Piémont. Une partie du mouvement syndical soupçonne le PCI d'abandonner la lutte pour s'insérer coûte que coûte dans les sphères du pouvoir. La sincérité des discours sur l'austérité et les sacrifices est mise en doute, suscite des réflexes de défense qui pèseront toute l'année sur le climat social.

Marginaux et étudiants

Mais les explosions se produisent ailleurs, parmi ceux qui sont en dehors du monde du travail et des sécurités qu'il assure, et qui désespèrent de pouvoir y rentrer : d'abord les jeunes prolétaires de Milan, puis les étudiants, du nord au centre de la Péninsule (mais non au sud où la situation est pourtant plus grave).

À Milan, tout commence par l'autoréduction dans les cinémas : des jeunes délogent les caissières et se mettent à vendre les billets à 500 lires au lieu de 2 500. Ils viennent des cercles prolétaires qui se sont multipliés dans la banlieue de la grande métropole industrielle. Les mêmes pratiquent des expropriations prolétariennes consistant à dévaliser un magasin ou un supermarché. Le soir du 7 décembre, ils sont des milliers à déclencher une nuit d'émeute à l'occasion de la première de la saison au célèbre Opéra de la Scala : feux rouges brisés, autos incendiées, tramways attaqués au cocktail Molotov.

La révolte des étudiants, qui éclate dans la plupart des universités au début de février, n'a pas un caractère fondamentalement différent. Elle est une révolte contre l'émargination, rejetant tout l'establishment, y compris les groupes gauchistes représentés au Parlement depuis le 20 juin. La pointe extrême du mouvement est représentée par les autonomes, convaincus que la violence est le seul recours possible.

L'un des trois leaders de la fédération des grandes centrales syndicales, le communiste Luciano Lama, est chassé, le 17 février, à coups de pierres, du campus de l'université de Rome, où il était venu pour parler aux étudiants. Le recteur fait appelé la police qui occupe l'université. De nombreux slogans associeront désormais le chef du gouvernement, le ministre de l'Intérieur Cossiga et le secrétaire du PCI Berlinguer dans une même image de la répression.

Terrorisme

Le samedi 12 mai, 40 000 jeunes confluent à Rome pour une manifestation que les autonomes font dégénérer en guérilla urbaine (la veille, à Bologne, un étudiant a été tué par un policier), et la cité modèle du communisme italien est, pendant trois jours, en état de siège.

La tension dure jusqu'au 19 mai, rythmée par des affrontements meurtriers : un policier est tué à Rome, le 21 avril ; une jeune fille, encore à Rome, le 12 mai ; un policier, le 14 mai, à Milan. Mais l'excès de la violence provoque l'isolement total non seulement des autonomes, mais du mouvement étudiant lui-même. Celui-ci renonce à une manifestation interdite prévue à Rome pour le 19 mai, et il semble ensuite s'effondrer et se résorber.