Le projet de régionalisation (dit « de dévolution »), qui devait accorder au pays de Galles et à l'Écosse une certaine autonomie (par le jeu d'une assemblée élue dans le premier cas, d'une assemblée et d'un exécutif dans le second, avec dévolution de certains pouvoirs, notamment en matière d'économie, d'éducation, de logement, etc.), est victime de cette fragilité parlementaire. Combattu par les conservateurs, jugés insuffisant par les libéraux et certains nationalistes, le texte s'enlise dans les discussions parlementaires. Le gouvernement croit alors pouvoir user d'une procédure peu populaire à la Chambre, mais en principe efficace : la guillotine, qui limite le temps du débat et force ainsi le vote.

Surprise : il est battu par 312 voix contre 283. Une partie de ses propres députés a fait défection. Cette gauche toujours rebelle, J. Callaghan avait pourtant tenté de l'amadouer, à la veille du scrutin, à la faveur du remaniement ministériel provoqué par la mort subite, le 19 février, d'Anthony Crosland, secrétaire aux Affaires étrangères. Il avait rappelé au gouvernement une de ses fortes têtes : Judith Hart. Mais il l'avait, il est vrai, simultanément mécontentée en nommant aux Affaires étrangères un espoir du parti : David Owen (à 38 ans, le plus jeune ministre des Affaires étrangères depuis Anthony Eden). Brillant, certes, mais marqué d'une tare pour cette gauche restée farouchement anti-européenne, celle d'être un sincère partisan de la politique communautaire.

Confiance

L'échec est cuisant pour James Callaghan, et encourageant pour sa rivale conservatrice, Margaret Thatcher. Forte des sondages d'opinion qui lui sont de plus en plus favorables, elle tire un peu hâtivement la conclusion que les conservateurs peuvent porter le coup de grâce au gouvernement. Le 18 mars, elle dépose une motion de censure. Arithmétiquement, psychologiquement, elle est sûre de l'emporter. C'est compter sans l'habileté manœuvrière du Premier ministre qui, dans les quelques jours qui précèdent le vote, parvient à conclure, à la surprise générale, un pacte avec les libéraux. Ceux-ci, avec 13 voix aux Communes, assurent aisément la survie du gouvernement. Leur jeune leader, David Steel, espère en compensation parvenir à infléchir la politique travailliste dans un sens moins dirigiste. Il obtient un mécanisme de consultations régulières.

Les électeurs semblent cependant peu enclins à approuver cette stratégie : les travaillistes ainsi que les libéraux sont sévèrement battus aux élections locales de mai 1977.

Scandales

Sur cette toile de fond assez sombre éclatent, de temps à autre, de petits scandales qui ne contribuent guère à rehausser le prestige travailliste. Ce sont d'abord les Mémoires de l'ancien conseiller de presse de Harold Wilson, Joe Haye, dont les révélations jettent un jour peu flatteur sur les mœurs du kitchen cabinet de l'ancien Premier ministre et sur le rôle de son égérie, Maria Williams, devenue lady Falkender.

C'est ensuite l'affaire Jay : peu après le voyage de James Callaghan à Washington en mars, Peter Jay est brusquement nommé ambassadeur aux États-Unis en remplacement de sir Peter Ramsbotham, exilé aux Bermudes. Des fuites laissent entendre que ce dernier est un diplomate mondain, peu représentatif de la nouvelle génération britannique. P. Jay, brillant économiste et célèbre journaliste à, lui, l'âge et les qualités du rôle. Il n'a qu'un défaut : il est le gendre du Premier ministre...

Bref, chacun se demande si James Callaghan tiendra jusqu'à la fin de son mandat... ou si ses jours ne sont pas désormais comptés.

À l'abordage du Globtik-Venus

Un pétrolier britannique est immobilisé, le 15 février, dans le port du Havre par son équipage philippin qui demande à bénéficier des accords internationaux en matière de salaires. L'armateur, Ravi Tikkoo, Pakistanais naturalisé britannique, licencie les grévistes. Mais ceux-ci, appuyés par le syndicat des marins CGT du Havre, restent à bord. R. Tikkoo envoie alors de Londres un premier, puis un second équipage pour reprendre le bateau. Mais ces équipages se solidarisent avec les grévistes et refusent de les remplacer à bord. C'est finalement un véritable commando de mercenaires, armés de haches et de gourdins qui, à l'aube du 2 mars, prend d'assaut le pétrolier, maîtrise les 28 marins philippins, et, maître à bord, quitte le port du Havre sans que la police française soit intervenue.

Au bénéfice des abonnés

Le prix de la communication téléphonique coûte moins cher depuis le mois de mai 1977, en Grande-Bretagne. Les quatorze millions d'abonnés ont bénéficié d'une réduction de 7 £ (60 F) sur leur relevé. De plus, la durée d'une communication locale passe de 8 à 12 minutes pendant les heures creuses. Les PTT ayant réalisé un bénéfice excédant 100 millions de £ (850 millions de F) sur les recettes autorisées par le Parlement, la commission gouvernementale des prix a estimé qu'il convenait d'en faire bénéficier les abonnés.

Ulster

Rien ne change en Ulster où la vie quotidienne s'écoule sur le même fond d'assassinats, de rumeurs et de léthargie politique. Au début de juillet 1976, Londres reconduit pour un an son administration directe de la province. Pour la énième fois, l'IRA provisoire annonce qu'elle va frapper de grands coups. La situation économique continue de se dégrader. Les jeunes couples et les ouvriers qualifiés partent de plus en plus nombreux, pour s'établir en Angleterre, au Canada ou en Australie. L'émigration a doublé en dix ans. Les troubles provoquent une recrudescence du banditisme, et les querelles intercommunautaires dégénèrent souvent en règlements de comptes autour de quelque fructueux racket.