Devant l'énormité de la fraude fiscale supposée des médecins, le gouvernement Tindemans avait instauré le système de la souche fiscale détachable qui serait remise au patient à la demande de celui-ci. Le système a montré toute son efficacité : on n'en entend plus parler ! Pourtant, il risque de causer la faillite de l'État : sur un budget de 1 000 milliards de FB environ, plus de 110 milliards sont consacrés aux dépenses de santé. Le coût de la consommation de soins de santé augmenterait en 1977 de 20 % par rapport à l'année précédente.

Le deuxième rapport, moins volumineux mais dix fois plus substantiel (il analyse la situation financière du pays), porte le nom de celui qui a dirigé les travaux d'une équipe d'experts : Jean Van Houtte, ancien Premier ministre et ancien ministre des Finances. Le rapport Van Houtte, auquel ont collaboré Robert Vandeputte, ancien gouverneur de la Banque nationale, Roland Bauvois, directeur à la Banque nationale et professeur à l'université de Bruxelles, Eugène de Barsy, ancien président de la Commission bancaire, Robert Henrion, ancien ministre des Finances et professeur à l'université de Louvain et William Fraeys, régent à la Banque nationale, trace un portrait peu flatteur du citoyen belge, qui y apparaît comme un égoïste profiteur à courte vue.

Le diagnostic des experts est sévère : « L'assainissement des finances publiques apparaît comme un impératif absolu. Il commande la collaboration générale des forces politiques et autres qui se partagent le pouvoir. Il suppose qu'on rompe avec des habitudes de laxisme financier auquel conduisent les abandons successifs de ces dernières années. Faute de quoi, le pays sera, à brève échéance, entraîné dans un cercle vicieux qui lui sera fatal. »

Le rapport n'indique que des orientations (accroissement d'impôts ou économies budgétaires) et ne propose pas de solutions concrètes ; il laisse ce soin aux responsables de la gestion du pays.

Le troisième rapport concerne des problèmes éthiques. Si les 25 médecins, légistes et professeurs sont parvenus à se mettre d'accord sur l'éducation sexuelle et l'information sur l'usage des moyens anticonceptionnels, ils se sont rapidement scindés en deux groupes distincts quand il s'est agi de proposer une modification de la législation sur l'avortement.

Chacun des deux groupes, celui des douze et celui des treize, a publié son propre rapport. C'est une affaire mineure si on la compare à l'ensemble des problèmes économiques et sociaux auxquels le gouvernement est confronté, mais elle est politiquement dangereuse par son contenu idéologique et passionnel.

Prix

Le gouvernement recueillera sans doute le bénéfice de l'action anti-crise de ses prédécesseurs. L'équipe Tindemans a réussi à juguler l'inflation ou, au moins, à la tenir dans des limites supportables ; Fernand Herman, ministre des Affaires économiques, a engagé, l'été 76, une lutte serrée contre les spéculateurs du circuit commercial des fruits et légumes.

Prétextant des dégâts causés par des semaines de canicule, certains intermédiaires avaient fait monter dangereusement les prix. Le nouvel indice, mis en application depuis peu, menaçait de grimper trop vite et de relancer l'inflation. Le ministre des Affaires économiques fit publier régulièrement une liste de prix considérés comme normaux et imposa le respect de ceux-ci. Il indisposa les syndicats de travailleurs en ne faisant pas intervenir dans le calcul de l'indice les hausses indues des fruits et légumes.

Mais les syndicats ont encore eu bien d'autres motifs de mécontentement. Principalement, le contenu du plan d'Egmont (du nom du palais d'Egmont à Bruxelles, où il a vu le jour), dont le gouvernement cependant s'enorgueillissait. Ce fameux plan comportait des mesures fiscales, économiques et sociales.

Dans le domaine fiscal, c'est une véritable cascade de taxes : augmentation de 6 FB sur le paquet de cigarettes, de 1 FB sur l'essence, passage à un taux supérieur de la TVA pour un ensemble de produits de consommation et de services qui ne sont pas considérés comme étant de première nécessité (cafés, hôtels, restaurants, spectacles, produits de beauté y compris la coiffure, vins et apéritifs, savons et détergents, maroquinerie... et caviar !).