Des commandos francophones, élus politiques en tête, vont donc s'obstiner à coller des affiches françaises à l'endroit interdit. Le gouverneur de la province suspend l'arrêt du bourgmestre, mais celui-ci rallie à ses vues le collège échevinal. Les incidents se multiplient : arrachage des affiches litigieuses ; procès-verbaux dressés par la gendarmerie aux afficheurs francophones, bien que le ministre de l'Intérieur à son tour ait désavoué le bourgmestre ; échange de coups entre afficheurs francophones et flamands. Aucun accident grave ne se produit, heureusement, et le ministre de l'Intérieur interdit tout affichage quel qu'il soit à quelques heures du scrutin.

Les résultats du vote confirment dans une large mesure ceux des élections communales : le CVP enregistre une avance notable en Flandre, le FDF se renforce encore à Bruxelles et le PSB comme le PSC gagnent des voix. En Flandre, l'avance du CVP s'est faite principalement au détriment du tassement de la Volksunie et d'une défaite inattendue du PVV. Il est indéniable que Willy De Clercq, l'un des chefs de file du libéralisme flamand, a durement payé le fait d'avoir été ministre des Finances à un moment où les finances publiques vont mal et qu'il lui a fallu prendre des mesures impopulaires.

À Bruxelles, le FDF a grignoté encore un peu du côté des électeurs socialistes et libéraux. En Wallonie, l'avance des socialistes du PRLW et du PSC est dû à l'effondrement catastrophique du RW. Les libéraux ont nettement reculé en Flandre, mais ils ont bien avancé en Wallonie et se sont maintenus à peu près au même niveau à Bruxelles.

Les électeurs ont distribué les mandats de telle façon que les deux grands partis traditionnels, le CVP et le PSB, disposent dans les deux assemblées de la majorité des deux tiers nécessaire pour appliquer l'article 107 quater. Mais, du côté francophone tout au moins, on insiste pour que le FDF soit associé au pouvoir, et Léon Defosset, président du FDF, a nettement laissé entendre que son parti était candidat au pouvoir.

L. Tindemans, désigné comme formateur par le roi, tente d'amener les trois partis dits « traditionnels » (il les qualifie, lui, de « nationaux ») à la table de négociation. Une première tentative échoue : les socialistes veulent écarter les libéraux, estimant que leur programme économique et social s'éloigne trop de leurs propres positions. Ils obligent ainsi le formateur à se tourner vers les partis communautaires.

L. Tindemans invite le FDF et la Volksunie à négocier avec le CVP-PSC et le PSB. Il assortit son invitation d'un préalable qui tient du quitte ou double : arriver à un accord communautaire global avant le 12 mai, cet accord se faisant parallèlement à l'accord gouvernemental normal sur toutes les autres matières. Léo Tindemans réussit dans son entreprise. Mais son nouveau gouvernement va se trouver devant une situation difficile. Cela indépendamment du dossier communautaire, qui peut maintenant se traiter avec quelques chances de réussite. Encore que les citoyens ne puissent se faire trop d'illusions : les chambres actuelles, n'étant pas constituantes, ne pourront pas procéder à une révision de la Constitution. Elles ne pourront que la préparer sérieusement.

Explosifs

C'est surtout la situation financière du pays qui sera l'objet de graves soucis. L. Tindemans, qui succède à L. Tindemans (son parti est sorti vainqueur des élections et lui-même a recueilli 134 163 voix de préférence, ce qui constitue un véritable plébiscite ; il a plus de voix à lui seul que n'a pu en conserver le malheureux Rassemblement wallon tout entier), retrouve quelques dossiers. Le premier est le rapport Petit (du nom du commissaire royal Jacques Petit), un volume de 535 pages qui passe en revue les causes de l'accélération dramatique des dépenses de l'assurance maladie-invalidité et propose des modifications au système de financement, des mesures d'économie, une restructuration de la gestion et une simplification de la législation.

Ce volume est assorti d'un appendice critique dû à un groupe de fonctionnaires, qui fait des propositions concrètes sur la base des suggestions contenues dans le rapport Petit. Ici encore, il y a vingt ans qu'il est question de la surconsommation médicale, sans qu'aucun gouvernement ne soit arrivé à juguler l'hémorragie. Le pouvoir se heurte à une véritable collusion entre patients abusifs, médecins avides et mutualités complices.