Quelques semaines plus tard, le grand parti catholique flamand, le CVP, adopte son propre plan de régionalisation à l'unanimité de son congrès moins 4 abstentions. Sa force de représentation est telle que cette cohésion est importante pour entreprendre toute discussion. Les positions des deux grands partis ne sont pas tellement éloignées l'une de l'autre : ils sont d'accord sur l'autonomie des trois régions et sur la nécessité de doter ces mêmes régions d'assemblées législatives distinctes. Ils souhaitent une révision de la Constitution en ce sens. Le Premier ministre peut alors déclarer : « Je crois que nous nous acheminons vers un grand dialogue communautaire ! » Et la préparation de ce dialogue se confirme du fait que le FDF et le RW se mettent, eux aussi, d'accord sur le texte d'un document relatif à la régionalisation de l'État. Le CVP croit qu'il est possible d'arriver à un accord communautaire durant la législature. Toutefois, son petit frère wallon, le PSC, ne veut pas de la reprise d'un dialogue avant les élections communales d'octobre 1976. Celles-ci ont lieu le dimanche 10 octobre et donnent comme résultat : une avance du CVP en Flandre, une progression du PSB en Wallonie et une nouvelle victoire du FDF à Bruxelles. Tous les éléments sont donc réunis pour que reprenne un dialogue brutalement interrompu à Steenokkerzeel en 1974 (Journal de l'année 1973-74).

Éclatement

C'est à ce moment qu'un grand conflit de tendances, qui existait depuis longtemps au sein du Rassemblement wallon, vient au grand jour et provoque l'éclatement de ce parti. Paul-Henri Gendebien, président du parti, rend public un manifeste sur la ligne politique de son groupe. Ce texte indique un net virement à gauche. Visiblement, le président du RW veut attirer les démocrates-chrétiens qui se sentent gênés au sein d'un PSC où, depuis toujours, ils sont obligés de faire bon ménage avec la droite catholique conservatrice traditionnelle.

L'espoir de P.-H. Gendebien et de ses amis est de constituer une fraction importante de fédéralistes wallons de gauche à côté du PSB et d'assurer ainsi à la Wallonie, une fois qu'elle sera devenue autonome, une politique résolument orientée vers un certain socialisme. Le président du parti entre ainsi en lutte ouverte contre trois des ministres qui représentent son parti au gouvernement et qui, eux, préconisent une orientation de centre gauche.

Durant plusieurs semaines se joue une dure épreuve de force au sein des fédérations du parti, et les trois ministres désobéissants se font exclure du parti. Mais ils ont pris les devants et se sont rapprochés du PLP wallon pour former avec lui un nouveau parti : le PRLW (Parti des réformes et de la liberté de Wallonie). François Perin, grand chef historique du Rassemblement wallon venu du socialisme, Jean Gol, plutôt libéral de gauche, et Étienne Knoops, issu du PSC, constituent pour le nouveau parti un appoint électoral non négligeable.

Le coup de théâtre du passage des trois ministres du RW au PRLW, fin novembre 1976, prend de court le président du RW, qui a réuni le congrès de son parti pour décembre. Ce congrès de Namur se tient dans l'enthousiasme : il est traversé de ferveur militante. Le président du RW y reçoit le vibrant hommage de ses troupes, et son programme de fédéralisme social recueille l'approbation unanime et chaleureuse des militants.

Revenu aux sources, rajeuni, ayant reçu l'appui d'un groupe de démocrates-chrétiens conduits par Germain Capelleman, le RW obtient la tête de Fr. Perin, qui quitte le gouvernement. Les deux autres transfuges accroissent la représentation libérale wallonne au sein du gouvernement. Le RW est renforcé par l'arrivée de Pierre Bertrand, avocat liégeois, aux côtés de Robert Moreau, qui a choisi le camp de P.-H. Gendebien.

Devant cet état de choses, le gouvernement n'est plus une équipe ; la confiance n'existe plus entre les groupes qui le composent. Les frictions se multiplient, notamment à propos des subventions aux patrons de la sidérurgie wallonne en difficulté, et, fait unique dans les annales de l'histoire politique belge, le Premier ministre exclut les deux ministres RW de son gouvernement. C'est-à-dire qu'il obtient leur révocation par le roi. Ils sont remplacés par un PRLW, Charles Cornet d'Elzius, et un PSC, Marcel Plasman, qui seront ministres le temps de signer quelques lettres : L. Tindemans, au lieu de demander aux chambres le vote de confiance pour son équipe, remaniée pour la 9e fois depuis sa création, obtient du roi la dissolution.

Élections

Les élections sont fixées au 17 avril 1977. Le pays vit, durant quelques semaines, une campagne électorale relativement morne, sans autre péripétie que l'inévitable incident linguistique. Le bourgmestre de la commune flamande d'Overijse, qui est située à quelques kilomètres de Bruxelles et touche à la capitale, interdit l'apposition d'affiches électorales imprimées en français sur les panneaux électoraux de la commune. Cette interdiction est ressentie par les francophones à la fois comme une atteinte aux libertés constitutionnelles et comme une provocation.