Journal de l'année Édition 1977 1977Éd. 1977

R. Barre a donc voulu rétablir l'équilibre de nos échanges extérieurs dans le courant de 1977. Ce déficit s'amenuise depuis l'automne 1976. Il avait presque disparu au printemps 1977. C'est un succès pour le gouvernement, mais un succès auquel l'opinion publique est beaucoup moins sensible qu'aux déceptions sur les prix et sur le chômage. En outre, ce rétablissement est, d'une certaine manière, un effet du chômage lui-même, dans la mesure où il, est lié au ralentissement de l'activité grâce auquel nos achats à l'étranger ont pu être réduits. De novembre 1976 à avril 1977, nos importations ont diminué de 10 %. Il est donc à craindre qu'en cas de reprise de l'activité le déficit extérieur réapparaisse, malgré quelques belles performances des entreprises françaises à l'exportation : de novembre 1976 à avril 1977, nos ventes à l'étranger ont progressé de 5 %.

Fragile

La situation de notre commerce extérieur reste donc fragile. D'autant qu'en un an, du printemps 1976 au printemps 1977, le coût de nos achats de matières premières à l'étranger s'est accru de 50 % (les hausses les plus spectaculaires ont été celles du café et du cacao), ce qui n'est pas pour rien dans la persistance de l'inflation. Les hausses ont également repris sur le pétrole : dès la fin de 1976, une partie des producteurs augmentent leurs prix de 10 %, les autres (Arabie Saoudite et Émirats du golfe Persique) de 5 % ; une nouvelle hausse devait avoir lieu durant l'été 1977. La volonté du gouvernement de figer la facture pétrolière à 55 milliards de F par an est donc difficile à tenir. Là encore, le ralentissement de l'activité facilite temporairement les choses, mais une reprise des affaires entraînerait inévitablement un alourdissement de la facture pétrolière. La France se heurte donc, avec les échanges extérieurs, à une contrainte qu'elle n'a aucun moyen de desserrer. N'importe quel pays peut biaiser avec un déséquilibre, lorsque celui-ci concerne l'économie intérieure : quand les prix montent, on peut augmenter les salaires ; et réciproquement ; quand le budget est en déficit, l'État peut emprunter ; dans tous les cas, on essaye de noyer la difficulté en fabriquant de la monnaie. Cela crée des problèmes, mais on se débrouille... En revanche, lorsque le déséquilibre est extérieur, il n'y a aucun moyen de se débrouiller, pour la raison très simple qu'un État peut toujours fabriquer sa propre monnaie, mais il n'a aucun moyen de produire celle des autres... La France peut fabriquer des francs, pas des dollars ou des marks ! Un seul pays au monde jouit du privilège exorbitant de produire la monnaie des autres en même temps que la sienne : les États-Unis. Simplement parce que l'économie américaine, du fait de sa puissance, a pu imposer sa monnaie au monde entier. Cela explique que les États-Unis aient pu, pendant si longtemps, avoir un déficit extérieur permanent ; ils le payaient en fabriquant des dollars... Même là, il ne faut d'ailleurs pas abuser !

Nord-Sud

Pour faire face à cette contrainte, la France a impérativement besoin d'une monnaie stable (pour modérer le prix de ses achats à l'extérieur), de marchés étrangers en expansion et de bonnes relations avec les pays producteurs de pétrole. En 1976-1977, elle a pu (grâce au plan Barre) maintenir la stabilité de sa monnaie. Elle a bénéficié de la reprise des affaires aux États-Unis, au Japon et en Allemagne, reprise qui a donné un peu d'air aux grands marchés extérieurs, encourageant ainsi nos exportations. Quant aux bonnes relations avec les pays producteurs de pétrole, elles ont été à l'origine de la conférence Nord-Sud.

Le président Giscard d'Estaing avait pris l'initiative de cette rencontre entre pays industrialisés (les anciens riches), pays producteurs de pétrole (les nouveaux riches) et pays pauvres, dans le but de faire baisser la tension sur le prix du pétrole et en vue de définir un « nouvel ordre économique » mondial. Après de multiples péripéties, cette conférence a pu se conclure laborieusement en mai 1977, à Paris, sur un constat de réussite partielle. En matière d'énergie, rien n'a été réglé, parce que les pays producteurs de pétrole n'ont pas voulu négocier cet atout grâce auquel ils tiennent les pays industriels en respect et qui leur donne, auprès des autres pays du tiers monde, un énorme moyen d'influence.