Face à cette impasse militaire, la Syrie s'efforce encore de trouver une solution politique, en misant tout sur Elias Sarkis, le président libanais élu le 8 mai (Journal de l'année 1975-76), qui ne doit prendre ses fonctions que le 23 septembre, à la fin du mandat du président Frangié. Mais que peut Sarkis, seul, dans un tel imbroglio politique ? À Damas, Assad et Sarkis jettent bien les bases d'un futur plan de paix pour le Liban. Mais Sarkis, homme de la dernière chance, est chargé d'une mission impossible : étant donné les prolongements extérieurs de la guerre du Liban, il doit réconcilier les Libanais entre eux, les Syriens avec les Palestiniens, les Palestiniens avec les Libanais chrétiens. Or, dans chacun des deux camps, la méfiance s'installe entre alliés. La gauche libanaise craint d'être lâchée par les Palestiniens, qui, au moment où Assad et Sadate se réconcilient au Caire, peuvent être tentés de rompre leur isolement en se rapprochant de Damas.

Les chrétiens s'inquiètent des visées expansionnistes de leurs alliés syriens, qui aujourd'hui les protègent mais demain peut-être rejoindront leurs adversaires. Dans ce climat d'incertitude éclate la dernière des crises ministérielles libanaises. Huit jours avant la fin de son mandat, le président Frangié enlève les pouvoirs à son Premier ministre, Rachid Karamé, et les donne à Camille Chamoun, beaucoup plus extrémiste. Péripétie sans lendemain. Le 23 septembre 1976, Elias Sarkis est investi à Chtaura, dans le fracas des armes.

Offensive syrienne

Presque aussitôt, l'OLP annonce un « cessez-le-feu unilatéral ». Trop tard ! Les troupes syriennes, fortes de 15 000 hommes et 100 blindés, franchissent la frontière libanaise, le 29 septembre 1976. La guerre contre les Palestiniens et la gauche s'engage.

Les forces palestiniennes, prises en tenaille entre les forces chrétiennes à l'ouest et les forces syriennes à l'est, ne peuvent tenir longtemps leurs positions dans la montagne. Le 1er octobre, pourtant, l'OLP rejette la demande de Damas et refuse de se retirer de tous les fronts. La situation militaire des Palestiniens semble désespérée. Une table ronde se tiendra-t-elle à Paris, où arrive Kamal Joumblatt ? Les négociations reprendront-elles à Chtaura ? Toutes les tentatives politiques échouent.

Sur le terrain, l'armée syrienne progresse partout. Les Palestiniens résistent dans leurs deux dernières places fortes de Bamdoun et d'Aley, mais les blindés syriens foncent vers le sud, vers Saïda, arrivent aux portes de Beyrouth et lancent enfin, dans la montagne, le 15 octobre, une très vaste offensive avec armes lourdes, missiles, aviation. Il semble, que rien, même pas les ultimes et hâtives concessions palestiniennes ou les appels d'Arafat, ne puisse plus arrêter la Syrie. Les Palestiniens n'ont plus le choix qu'entre une capitulation politique (qui amènerait sans doute le remplacement d'Arafat à la tête de l'OLP) et une défaite militaire.

Arguments saoudiens

Pourtant, en deux jours, l'Arabie Saoudite va réussir là où tout le monde (y compris les pays arabes réunis au Caire) avait échoué : Assad, Sadate et Arafat, qui avaient refusé de se rendre ensemble au Caire, acceptent de se rencontrer à Riyad en un mini-sommet. C'est que le roi Khaled d'Arabie dispose d'arguments puissants : il soutient financièrement Damas, Le Caire, Amman et l'OLP. La diplomatie saoudienne pèse alors de tout son poids et elle obtient des résultats immédiats. Sadate et Assad, puis Assad et Arafat se réconcilient. Le 18 octobre est conclu un accord qui prévoit le cessez-le-feu général au Liban, le remplacement des forces syriennes par des forces arabes d'intervention, dont le statut et la composition ne sont pas précisés, le refus de la partition du Liban, l'application des accords palestino-libanais du Caire de 1969.

L'accord de Riyad sera complété le 25 octobre au Caire, lors d'un sommet arabe qui précise (ce à quoi tout le monde s'attendait) que la force arabe d'intervention sera composée en grande partie par la force syrienne stationnée au Liban.