Aguerri par deux campagnes électorales, le PQ résiste aux attaques des libéraux et renverse la situation à son avantage. Au slogan « Non aux séparatistes », il oppose une vigoureuse critique de l'administration Bourassa et ne souffle mot, ou presque, de l'indépendance, une intention pourtant contenue dans son programme politique. Ne désirant avant tout qu'une simple élection, il se présente comme le parti capable de donner aux Québécois « un bon gouvernement provincial », promettant de les consulter sur leur avenir lors d'un vrai référendum démocratique.

Préoccupés par la moralité publique et l'économie, les électeurs acceptent le changement proposé par le PQ. Mais, sitôt leur décision connue, ils ne savent pas davantage à quoi s'en tenir. De ceux-là même qui les avertissaient « qu'un vote pour les péquistes est un vote anti-canadien » ils apprennent que leur choix constitue tout au plus un verdict négatif contre le régime Bourassa et une confirmation du statu quo. En revanche, les indépendantistes soutiennent qu'ils font un pas dans le sens de la souveraineté politique.

Confrontation

L'annonce de la prise du pouvoir par les indépendantistes tombe comme une bombe chez les Anglo-Canadiens, sept mois à peine après une affirmation du Premier ministre du Canada, selon laquelle le séparatisme québécois était mort, le PQ n'étant, tout compte fait, qu'une « particule politique sans importance ». Quelques heures après le scrutin, tous les chefs de partis, tant fédéraux que provinciaux, essaient de désamorcer la crise et concluent vivement que les péquistes ont le mandat de gouverner une province et non de la séparer.

Très tendu, P. E. Trudeau prévient même son nouvel homologue québécois, René Lévesque, contre toute tentative de réaliser la sécession sans tenir le référendum promis. Ce dernier, irrité, réplique qu'il n'a pas de leçon de démocratie à recevoir et réitère son engagement de rechercher un accord explicite de la majorité sur l'option indépendantiste, que son parti n'a d'ailleurs jamais cachée.

La confrontation sur la question québécoise est engagée. Elle occupe, durant les mois qui suivent, toute l'avant-scène de la politique intérieure et se prolonge même à l'échelon international.

Pendant que certains libéraux explorent, le 17 novembre 1976, à Ottawa, mais sans y donner suite, la « tactique chilienne », laquelle consiste en des mesures économiques punitives qui feraient sentir aux Québécois leur dépendance envers le gouvernement central, d'autres Canadiens étudient des solutions au problème de l'unité nationale.

Dans une confusion presque totale, des groupes d'hommes politiques, de financiers, d'intellectuels, d'économistes et de simples citoyens soumettent, tout au long de l'année, des mécanismes de révision constitutionnelle dans le but soit de décentraliser le fédéralisme, soit d'accorder au Québec un statut d'État associé ou autonome. Mais P. E. Trudeau affiche du mépris pour toute formule ne reflétant pas sa position intransigeante. Toute refonte de la Constitution au bénéfice de la province française ne ferait qu'accélérer, d'après lui, le processus de l'indépendance. En outre, tenu responsable de la victoire du PQ, le chef libéral doit regagner sa popularité, en baisse, et défendre son leadership compromis à la veille des élections partielles du 24 mai 1977 dans six circonscriptions, dont cinq au Québec. Convaincu que la seule façon d'y parvenir est de combattre ses adversaires, les séparatistes, stratégie qui lui sourit depuis 1968 (Journal de l'année 1968-69), il choisit l'affrontement direct avec le gouvernement québécois. Aux élections partielles, le parti libéral du Premier ministre P. E. Trudeau fait élire cinq de ses six candidats, le parti créditiste conservant la circonscription de Témiscamingue au Québec, vacante depuis le décès du chef créditiste Réal Caouette.

Le 24 novembre, c'est dans cette perspective que le Premier ministre du Canada s'adresse à la nation. Dans un message télédiffusé, il assure les Canadiens qu'« un nouveau partage des pouvoirs entre le fédéral et le Québec ne suffira pas à arrêter le mouvement sécessionniste. » Fidèle à lui-même, il ramène les difficultés du pays à un simple conflit linguistique, dont le règlement viendra avec l'égalité des deux langues officielles, le français et l'anglais, qu'il n'a cessée de préconiser. Aucune allusion n'est faite, cependant, aux revendications économiques et sociales des Québécois. Le lendemain, il avoue qu'il ne s'inclinera que si ces derniers « en ont vraiment marre ». Occupé par la formation de son cabinet et par le contenu de la première session parlementaire, qui s'ouvre le 30 novembre, le Premier ministre René Lévesque le renvoie à l'étude de ses dossiers et à la réflexion.