Journal de l'année Édition 1976 1976Éd. 1976

Violence contestataire enfin : un paysan mortellement atteint à Épinal en mars au cours de manifestations d'agriculteurs ; deux gendarmes abattus à Aléria, en Corse, à l'occasion de l'occupation d'une cave coopérative, et un CRS pendant les émeutes qui ont suivi, en août 1975 ; un officier de CRS et un manifestant tombés à Montredon, dans l'Aude, lors d'un rassemblement de viticulteurs méridionaux en révolte. Incidents parfois sérieux dans les universités en grève à Paris et dans plusieurs villes, ou lors des défilés de lycéens, car les réformes en cours des enseignements supérieur et secondaire se heurtaient à des grèves prolongées et à de violentes réactions auxquelles s'associaient parfois des membres du corps enseignant.

Parmi les grandes controverses et les conflits qui ont occupé, à la faveur de ces événements, le devant de la scène, retenons-en quelques-uns qui ont marqué et paraissent devoir se prolonger.

Tout d'abord, le débat sur la peine de mort : il n'est certes pas nouveau, mais l'insécurité croissante, des affaires comme l'enlèvement à Troyes d'un enfant exécuté par son ravisseur l'ont relancé malgré les propos mesurés tenus par le président de la République, détenteur du droit de grâce.

Ensuite le conflit de la magistrature, né de l'action de jeunes magistrats réunis dans une organisation syndicale toute nouvelle qui conteste l'esprit de la justice. Les épisodes de ce conflit-là ont été divers et contrastés. L'arrestation, sur mandat délivré par un juge d'instruction de Béthune. J. de Charette, d'un dirigeant d'entreprise responsable d'un accident mortel du travail, a d'abord provoqué de vives discussions et des mouvements divers. Ce geste ayant été imité par d'autres magistrats, une affaire d'une tout autre nature a surgi ensuite avec les poursuites engagées à Marseille contre les P-DG des principales sociétés pétrolières pour entente illicite. Le garde des Sceaux ayant prononcé la mutation avec avancement d'un juge d'instruction. Étienne Ceccaldi, qui allait avoir à connaître du dossier, cette mesure a été interprétée par l'intéressé, puis par de nombreuses personnalités de l'opposition, parmi lesquelles Gaston Defferre, comme un prélude à l'étouffement de l'affaire. Là encore, protestations, accusations réciproques, polémiques virulentes.

En fait, derrière les discussions sur la responsabilité patronale en matière d'accidents du travail ou sur les ententes pétrolières, c'est une conception nouvelle, plus engagée, de la justice qui s'oppose aux habitudes de la magistrature traditionnelle et parfois aussi à tous les pouvoirs, économique et gouvernemental.

L'affaire dite des syndicats de soldats n'a pas fini, elle non plus, de faire couler beaucoup d'encre. La constitution à Besançon, en novembre 1975, d'une section syndicale se réclamant de la CFDT par des appelés du contingent a d'abord fait l'unanimité ou presque, de la droite à la gauche : pas de syndicalisme dans les casernes. Mais le mouvement s'est bientôt étendu, des tracts ont été rédigés et distribués çà et là qui ont entraîné l'ouverture d'une information, l'inculpation de 47 personnes (syndicalistes, soldats, etc.), dont certaines furent même emprisonnées pendant plusieurs mois, pour démoralisation de l'armée. La gauche ne pouvait que s'en émouvoir, mais ses protestations à ce sujet ne furent guère unanimes ni véhémentes.

Ces controverses et ces conflits intéressaient tout à la fois la police, la justice, l'armée, touchaient à la législation du travail, aux libertés syndicales et à la vie sociale. Ils étaient tout naturellement pris en compte dans les polémiques d'ordre politique. D'autres péripéties, si elles ne défrayaient que brièvement la chronique, soulevaient moins de problèmes de fond et de principe : ainsi en allait-il de l'agitation des prostituées, qui conduisait à confier à un haut magistrat le soin d'étudier leur situation ; de la mise en liquidation de la société Lip, qui ne suscitait pas la même émotion que lors des premières difficultés de cette entreprise ; des controverses engagées entre le pouvoir et l'opposition sur la politisation de la fonction publique et la chasse aux sorcières dans l'Administration et à l'ENA.