Journal de l'année Édition 1976 1976Éd. 1976

En moins d'un semestre, le PCF semblait avoir parcouru tout le chemin fait en dix ans par le parti communiste italien vers plus de liberté et de démocratie interne et l'avoir même largement dépassé dans cette voie.

Le grand tournant pris ainsi en février devait ensuite se concrétiser de diverses façons. C'est ainsi que, contrairement à la tradition, la délégation du PCF au Congrès du parti communiste soviétique à la fin du même mois n'était pas conduite par le secrétaire général, Georges Machais, mais par un dirigeant moins important, Plissonnier. G. Marchais cependant se rendait au Japon, organisait à Paris un grand meeting avec le leader communiste italien Berlinguer. Le PCF assouplissait considérablement son intransigeance à l'égard des institutions européennes, il tendait la main aux cadres, aux chrétiens, aux commerçants, il multipliait les occasions de s'affirmer le meilleur défenseur des libertés et de la démocratie dans l'union et la concorde.

Ce ton ouvert et nouveau rencontrait la méfiance des anticommunistes, pour qui il s'agissait là d'une simple mise en scène, d'un faux-semblant. De maladroites interventions des dirigeants américains, H. Kissinger d'abord, le président Ford ensuite, mettant en garde les pays européens et notamment la France et l'Italie contre la participation éventuelle de communistes au pouvoir, permettaient au PCF d'accentuer son antiaméricanisme et en même temps de mieux accréditer l'idée qu'il devenait plus dangereux aux yeux de l'Amérique parce qu'il avait réellement changé. Toutefois, si certains sondages disaient que l'image du PCF tendait à s'améliorer dans l'opinion, les résultats électoraux étaient loin de confirmer une évolution en sa faveur. Dans la gauche cependant, nombreux étaient ceux qui jugeaient que les communistes français secouaient au moins en partie l'emprise soviétique et recherchaient sincèrement une voie originale et des formes plus ouvertes de construction d'un socialisme « à la française ».

La violence et les conflits

Cette revue de l'année politique ne serait pas complète si l'on omettait de recenser, fût-ce rapidement, une foule de péripéties qui ont fait souvent plus de bruit que les grands événements et les changements réels ou supposés. Il n'y a guère de lien entre ces faits de la vie quotidienne, sinon peut-être une accoutumance à la violence.

Violence dans l'affaire Renaud, le juge d'instruction lyonnais abattu par des tueurs. Violence dans les villes, où les agressions, les hold-up, les prises d'otages, l'insécurité alarmaient les populations. Violence à l'égard des plus faibles, vieillards dépouillés de leurs économies, enfants enlevés pour obtenir une rançon, passants attaqués et malmenés. Violence des défenseurs de l'ordre qui parfois, dans le feu de l'action, atteignaient des innocents ou même s'entretuaient.

Violence politique aussi. On peut considérer qu'il y a eu, en France, un attentat par jour en moyenne pendant ces douze mois. La plupart, explosions ou agressions, n'ont heureusement pas fait de victimes. Cependant deux chefs de missions diplomatiques, les ambassadeurs de Turquie, puis de Bolivie à Paris et plusieurs diplomates étrangers, dont un attaché militaire espagnol, ont perdu la vie sans que les auteurs de ces meurtres aient été identifiés. Inconnu aussi l'insaisissable Carlos, terroriste présumé vénézuélien, qui tuait deux des policiers et réussissait à s'enfuir. Connu en revanche, puisqu'il a choisi de se suicider aussitôt après son acte, l'assassin du P-DG du Crédit lyonnais, Jacques Chaine. Et, au début de juin à Paris, quatre personnes périssaient dans une explosion visant, semble-t-il, une agence de travail temporaire. Des Palestiniens aux Sud-Américains, des Basques autonomistes aux agents espagnols lancés à leur poursuite, de groupes terroristes aux objectifs mal connus à de véritables commandos agissant en vertu de doctrines vite baptisées anarchistes ou révolutionnaires, les conflits qui déchirent le monde et les fièvres idéologiques qui agitent certains milieux ou certaines régions trouvaient ainsi leur expression dramatique, en France comme ailleurs.