Journal de l'année Édition 1976 1976Éd. 1976

En vue de ces élections, l'opposition s'était très tôt mobilisée, tandis que le gouvernement et la majorité feignaient de croire que l'affaire n'avait rien de politique, qu'il ne s'agissait que d'une sorte de formalité administrative. Au premier tour, le 7 mars, on enregistrait une participation plus forte que d'habitude pour ce genre de consultation (65,4 % de votants) et, en voix, une vive progression du parti socialiste et un maintien des suffrages communistes — donc, globalement, une avance de l'opposition qui franchissait, compte tenu de ses alliés radicaux de gauche, le seuil fatidique des 50 %. Pour la majorité, le léger progrès des modérés et giscardiens ne compensait pas le recul de l'UDR. Après le second tour, le 14, qui voyait également les électeurs se rendre aux urnes plus nombreux qu'à l'accoutumée et qui confirmait l'orientation du premier, le bilan s'établissait ainsi : dans quinze départements, la présidence du conseil général passait de la majorité à l'opposition (dont dix au parti socialiste et deux au parti communiste) ; la majorité ne prenait à la gauche que deux présidences. Le centrisme en tant que tel était laminé, ceux qui s'en réclamaient n'ayant eu d'autre ressource que de s'intégrer à l'un des deux camps.

On pourrait certes objecter, et on n'y manqua pas dans la majorité, que les élections cantonales n'ayant pas de conséquences à l'échelle nationale le comportement des électeurs ne préjugeait nullement leur vote à une consultation politique, législative ou présidentielle. On pouvait aussi faire état de certains succès remportés par la majorité aux élections partielles. L'attention s'était en effet un moment portée sur deux de ces scrutins : au mois d'octobre 1975 vers la circonscription de Chatellerault, où Pierre Abelin, maire de la ville et membre du gouvernement, s'efforçait de reprendre son siège devenu vacant par suite du décès de son suppléant ; et au mois de mai vers Tours, où Jean Royer, maire et ancien ministre lui aussi, briguait également son ancien siège de député. À Chatellerault, l'empoignade avait été vive, majorité et opposition faisant défiler leurs leaders pour soutenir leurs candidats respectifs, P. Abelin ne l'emportant qu'au second tour, le 19 octobre, avec 52,6 % des suffrages contre Édith Cresson, candidate socialiste. À Tours, Jean Royer, qui avait décliné toute investiture et tout appui, triomphait dès le premier tour, le 9 mai, de huit adversaires avec 56,09 % des voix. Ces succès n'allaient pas toutefois sans nuages : le parti socialiste avait vivement progressé dans le premier cas, prenant un net avantage sur son allié communiste et menaçant un sortant solidement implanté ; et, dans la seconde bataille, le triomphe de Jean Royer avait été obtenu en marge des partis organisés, fussent-ils ceux de la majorité, et dans une certaine mesure contre eux.

L'échec relatif enregistré aux cantonales, les succès contestés et acquis de justesse dans les législatives partielles achevaient d'alarmer la majorité et dopaient littéralement la gauche qui se voyait déjà victorieuse des législatives de 1978. Jointes aux difficultés et aux divergences de la coalition au pouvoir, ces avertissements du corps électoral entraînaient aussitôt plusieurs conséquences.

Une nouvelle campagne

Tout d'abord le ton montait et les affrontements se faisaient plus rudes entre les deux camps. Michel Poniatowski et Jacques Chirac d'un côté, relayés par Roger Chinaud et Jean Lecanuet, s'en prenaient à maintes reprises avec vigueur à Georges Marchais, François Mitterrand et leurs amis, tandis que Georges Séguy (CGT) et Edmond Maire (CFDT) se mêlaient aux controverses et que les répliques s'entrecroisaient dans le tumulte. Accusations réciproques, injures parfois, âpres critiques et mises en cause de toutes sortes donnaient à penser qu'une nouvelle bataille électorale était ouverte, qui ne s'achèverait qu'avec les élections législatives. Ces dernières seraient-elles avancées ? Certains, dans la majorité, le demandaient, d'autres le redoutaient, et la discussion ouverte sur ce sujet n'aura de fin qu'au moment du scrutin, quelle qu'en soit la date.